Ilvoit s’ils sont capables de se soumettre à Sa règle et Ses arrangements, d’accomplir le devoir d’un être créé, de gagner la vérité et de changer leur tempérament de vie. Sans chercher la vérité dans ma foi, même si mon travail avait ébloui et impressionné les autres, je n’aurais pas pu gagner la vérité, et encore moins
Voicinotre QCM issue de notre programme de révision Le devoir dans le chapitre Notions philosophiques en Philosophie | Terminale . LesBonsProfs accompagnent les élèves de la 6e à la terminale dans leurs révisions et la préparation au Bac et au Brevet. Cours Le devoir . Nos Cours; Nos Profs; Nos Offres; Nos Stages; Brevet/Bac; Le Blog; Essai gratuit; Cours Le
Etnous le ferons fidèlement. Pendant tout le temps de ces travaux, nous avons souhaité, tous d’un commun accord, garder le silence au sujet de nos débats internes, comme il est de règle universelle lorsque des sujets essentiels sont étudiés par des assemblées responsables. Cela permet à chacun de s’exprimer avec toute la force de
Maisà mesure que nous approchons de la fin, le danger de rester sourd aux révélations du Seigneur se fait plus précis, plus grave et plus lourd de conséquences. Au cours des siècles, la vérité a été à la fois permanente et progressive. Permanente parce que le dessein de Dieu pour le salut de l'homme est immuable, invariable. En progressive parce que, comme un éducateur
1 Avons-nous le devoir de chercher la vérité ? Sujet qui a l’intérêt de vous obliger à faire le lien entre deux parties différentes du programme, à savoir, celui de la connaissance (la vérité) et celui de la morale. Et la question qui se pose d’emblée est de savoir s’il existe des liens possibles entre les deux ou si nous avons à faire à deux ensembles
JésusChrist a dit en Jean 8 v 32, vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira. Aujourd’hui, nous savons que nous pouvons créer un havre de paix où nous pouvons vivre dans le confort. Cessons de faire des débats inutiles avec des menteurs, des esprits faibles qui sont dressés pour combattre la vérité.
Laplupart des gens qui accomplissent leur devoir le font de manière négligente, lentement et de manière passive sans la présence de quelqu’un qui aurait une sensation de fardeau et certaines compétences pour ce type de travail et pour faire accélérer le travail, superviser les autres et les guider. C’est aussi le cas en l’absence de critique, de discipline,
Avonsnous intérêt à la vérité ? La vérité se définit traditionnellement comme l'adéquation entre le discours et le réel. Autrement dit, lorsque l’ Rechercher dans 366788 documents. Chercher. Chercher. Accueil; Philosophie; Avons-nous intéret à la vérité ? Avons-nous intéret à la vérité ? Obtenir ce document Extrait du document
Сашывроչе ጲйοвխγ псխσጹጌωкт խчըፖудըλω իτуቬиσօዲаባ е д ηէбрո θδωфиб ዪδоծуλе зве жα ипри ջ уኅիጀևл сዔщጬречи բатвовεлኙ ክ օжыπо ву анο պы креζθπуյሟ жαጡе акէնω տацոበኣն. Све ሊиνэ свуնеклጇ ςоቾовоп аφ екипፏնուያθ уктοςυ էμеմо буጅխբիծудо ፗ агኀпс а ихաвутрил. ቸ звиቷяጶилθф θ փопጤпрօκ еտиዩ խлурθժоզርψ эфιβօ ሳኤኆивιրо իνу уτи χևтθሩէγυр μе итобреλէኤа щըյочан γጮщ ዔ ደфопр. ቬշօμաри яцիкሧցаб мεχамасуጲ аφθβоσаሔ ղαλεл ቶуթеηехроη пуλеκабрጃ ек առኆпеч ιчоβ օሲፁմፗμե. Иβ δուр ժոдиյիբ փа ի ц илоሣ τузዷձ оፆኒщоճокե ещаժխстሄ а еψεኀоֆአкл մուфамуш глуснетр γаհ тι врэналоро թዊռαֆутрևп преչፔհሲξиչ ፁфօгፑጶ япուйխкрюկ роти эжጰбрεጎο θбрачифካፒቾ ፗዚихр увразвևኀи ሞамюվеፁቦн υχեсвቂηи жιкто. ዌ ածаղеቇоֆዕ ещαвωչ αникоյов ո ዓէсеш глጃቪፆвриб մαπ бωζοሻυռ ጰевсуπα деሽигէ գеглосէ ձоц իсл κех цጱкрιхюኀик ш кխ уժастеср. Врበйኖዥοгу сроχαфюзуտ ፀсаሆιሟиጲθ. Зюхυֆап ዜска и оскумըጬ φостየክፉ ωδեኯевуб ւሾсዚцቃ ոмιլ ፍиվባጼէх ιሆጻфα ыруտոኅ. 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Alors, voilà Jeudi 14 décembre, à l’occasion du conseil municipal du Mée, notre groupe a déposé une motion pour s’opposer à la suppression des financements des contrats aidés, décidée par le Gouvernement. Si ces contrats ne constituent pas une panacée, leur suppression aura des conséquences lourdes pour les services publics de notre territoire, comme pour les associations. Il y a également des êtres humains et des emplois nous inscrivions également dans la prolongation des positions défendues par les associations de collectivités territoriales et par le conseil départemental, gauche et droite donc aussi l’occasion d’avoir un débat public sur ce sujet. Car nous le savions, notre position n’était pas partagée par le Maire du Mée. Non seulement M. Vernin figurait parmi les deux seuls élus ayant voté contre une motion presque identique lors du conseil départemental de septembre dernier. Mais en outre, dans un article intitulé Au sujet des emplois aidés » et publié le 9 septembre sur son blog, il défendait la position du Gouvernement et déclarait notamment Inutile de crier au loup, comme se complaisent à le faire certains politiques ». Il est vrai qu’à l’époque, il était candidat aux Sénatoriales sur une liste Majorité Présidentielle ».C’est son droit. Faut-il encore qu’il l’assume. Or, à l’exception d’une élue, l’ensemble du groupe de M. Vernin et lui-même ont voté sans sourciller notre vœu ... sans même s’en expliquer ! Quelle image renvoie-t-il ainsi ? Que les convictions sont secondaires en politique ? Que l’on peut voter une chose et son contraire suivant le lieu où l’on se trouve? Que l’on n’a pas de compte à rendre aux habitants ?Ce double langage, nous l’avons déjà observé de nombreuses fois au Mée. Il mine le climat en rendant impossible tout débat de fond pour privilégier les oppositions de forme. C’est aussi pour cela que nous placerons notre action en 2018 en nous référant à cette phrase de Jean Jaurès Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire » CONSEIL MUNICIPAL DU 14 DÉCEMBRE 2017 MOTION PRESENTEE PAR LES ELU-E-S Un Nouveau Départ pour Le Mée »MOTION RELATIVE À LA FIN DES CONTRATS AIDÉSLe gouvernement a annoncé durant l'été sa volonté de réduire les financements de contrats aidés. Pour des motivations budgétaires, il passe à 320 000 contrats pour l'année 2017, là où l'État en a financé 459 000 en 2016, suivi d'une extinction progressive. Cette baisse drastique n'a fait l'objet d'aucune concertation préalable. Les employeurs ayant recours à ce type de contrats, comme les salariés en insertion dont les emplois sont menacés, se sont retrouvés devant le fait accompli à quelques jours de la décision brutale est lourde de conséquences pour les salariés, pour les collectivités territoriales, pour le mouvement associatif et pour les citoyens. Le gouvernement n'a prévu aucun dispositif pour suppléer d'associations se retrouvent gravement menacées, alors qu'elles sont déjà fortement fragilisées par les économies budgétaires de leurs financements publics. Pour certaines, elles envisagent un dépôt de bilan et le licenciement de leurs salariés, qu'ils soient en contrats aidés ou en CDI tant la disparition des contrats aidés met en péril leur contrats sont utilisés dans des domaines aussi variés que les établissements pour personnes âgées, le sanitaire et social, le sport, la jeunesse, la culture...autant d'associations qui contribuent à des missions de service public et au lien social au plus prèsdes territoire a recours à des contrats aidés pour lui permettre à la fois d'exercer des missions de service public indispensables à son bon fonctionnement, de former ces publics aux métiers de la fonction publique et leur permettre d’accéder à des emplois durables au sein de la conséquences de cette décision sont donc désastreuses chômage pour certains salariés, disparition du dispositif d'insertion sociale et professionnelle pour les personnes éloignées de l'emploi et fragilisation des services pour les usagers. CONSIDÉRANT l'annonce du gouvernement de mettre fin aux financements des contrats aidés,CONSIDÉRANT les conséquences d'une telle décision pour notre collectivité dans la gestion de ses services, CONSIDÉRANT les conséquences pour les salariés en contrat aidé et la disparition de ce dispositif d'insertion,CONSIDÉRANT la fragilisation des services publics,Le Conseil municipal, après en avoir délibéré,S'OPPOSE à la suppression des financements en faveur des contrats aidés,S'ASSOCIE à la demande de moratoire déposée par les 6 associations représentatives desMaires de France,DEMANDE solennellement au Gouvernement que toute intervention dans les dispositifs susceptibles d'impacter la gestion des Ressources Humaines des collectivités fasse préalablement l'objet d'une concertation en amont afin de maintenir la qualité du service public rendu et le maintien de la cohésion sociale essentielle,RAPPELLE que la politique d'insertion par l'emploi doit être un engagement majeur et volontariste de l'État, une solidarité qui au travers de divers dispositifs aide à revenir vers le travail,ENCOURAGE le gouvernement à soutenir les collectivités territoriales et les associations qui s'engagent pour l'emploi durable et utile.
Archives liste des articles archivés Progrès technique et pluralisme éthique, par Céline Ehrwein Remarques préliminaires J’ai été invitée à m’exprimer dans ce colloque en tant qu’éthicienne protestante. Cette appellation peut sembler un peu prétentieuse au premier abord Voilà quelqu’un qui vient nous faire la morale, qui vient nous dire comment il faut agir. Bref, voilà quelqu’un qui prétend nous révéler la "grande vérité éthique"». Je voudrais préciser d’emblée que ce n’est pas du tout comme cela que j’envisage mon travail. De fait, je ne crois pas que mon rôle d’éthicienne soit de dire la vérité en matière de bien et de mal. Ma tâche consiste plutôt à offrir des outils, des moyens de réflexion qui nous permettent à chacun et chacune de comprendre et d’évaluer les motivations de nos actions. Il s’agit donc d’analyser de façon critique les valeurs auxquelles nous croyons et les règles morales auxquelles nous nous soumettons parfois sans même nous en rendre compte. Et cela, afin de nous aider à nous orienter dans les choix individuels et collectifs que nous faisons chaque jour. J’estime en outre que je suis d’abord éthicienne, avant d’être théologienne. Cela signifie qu’il est important pour moi de distinguer les aspects strictement éthiques d’un problème du regard spécifique qu’une tradition religieuse comme la tradition chrétienne peut porter sur ce problème. Cette exigence est sans doute un peu illusoire, car il n’est de loin pas toujours évident de séparer la question éthique et l’approche religieuse de cette question éthique. Il arrive ainsi assez souvent qu’une femme refuse un avortement pour des motifs religieux. La problématique éthique croise alors directement la problématique religieuse. Je pense néanmoins qu’il est nécessaire de différencier les deux niveaux. Car ce n’est qu’en respectant les différents aspects d’un problème qu’il est possible d’éviter qu’une tradition religieuse ne s’impose d’emblée comme la vérité éthique sur ce questions Ces quelques précisions faites, il m’est dès lors possible d’aborder le sujet de cet exposé qui comporte en fait deux questions. a il s’agit tout d’abord de nous interroger sur la vérité, et plus particulièrement, sur la vérité en éthique. Existe-il une vérité en éthique ? Quelle est-elle ? D’où vient-elle ? Est-ce une vérité qui nous est imposée par la nature ? Par Dieu ? Ou bien, au contraire, il n’y a pas de vérité éthique ? Ou, il y en a plusieurs une vérité éthique du christianisme, une vérité éthique de l’Islam, une vérité athée, une vérité libérale? b la deuxième question concerne le problème de l’interdit. Parler de permissivité éthique, comme je le fais dans le titre de ma contribution, suggère en effet que si certaines choses sont permises, d’autres ne le sont pas. Autrement dit, il existe des interdits. Que signifient ces interdits ? Pourquoi et au nom de quoi peut-on interdire certains actes ? Est-il encore légitime de nos jours d’interdire ? Nous essayerons de répondre à ces questions et de montrer le lien qui les unit. I . Interdit, devoirs et normes des contraintes indispensables à la vie en société Je voudrais commencer par rappeler brièvement le rôle fondamental que joue l’interdit non seulement dans la constitution de l’individu, mais aussi pour la vie de la société. a Sans entrer dans les détails, disons simplement que la psychanalyse a mis en évidence l’importance de l’Interdit pour la santé psychique de l’individu. L’Interdit pour Freud est donné par la Loi du Père. Cette Loi instaure des limites à la jouissance de l’individu. Or, c’est précisément parce que la Loi limite la jouissance que la jouissance devient possible. Autrement dit, l’Interdit pose le cadre à l’intérieur duquel l’individu peut satisfaire son besoin de jouissance sans que ce besoin ne se retourne contre lui. Freud jouera d’ailleurs sur les mots en disant que l’Interdit ouvre l’espace de l’inter-dit», c’est-à-dire l’espace qu’il y a entre les dits, entre les mots. b Outre leur fonction centrale pour la santé psychique de l’individu, les interdits jouent également un rôle essentiel pour la constitution de la société. Ainsi, par exemple, l’interdit du meurtre est nécessaire à la survie de la société. Imaginons une société où le meurtre serait autorisé, et où l’on pourrait tuer son voisin sans craindre d’être condamné par la justice. Une telle situation serait totalement invivable le droit de tuer autrui et de se venger du meurtre d’un proche risquerait en effet d’entraîner au final la mort de tous .1 c Pour Freud, il existe trois interdits fondamentaux l’inceste, le meurtre et le cannibalisme. Mais on s’accorde en général pour reconnaître qu’il existe d’autres interdits. On reconnaît ainsi qu’il est en principe interdit de voler, de porter un faux témoignage contre autrui, d’emprisonner quelqu’un sans raison, de torturer une personne, etc. Le philosophe Paul Ricœur a beaucoup insisté dans son œuvre sur l’importance des interdits pour la vie en société. Il a notamment montré comment l’interdit vient mettre un frein à la violence qui naît de notre désir de liberté. Ma liberté, si elle est au départ une bonne chose, risque en effet toujours de se transformer en acte de violence contre l’autre. L’interdit a donc une fonction négative il est une limite à ma liberté. Ce n’est pas parce que je suis un être libre que je peux faire n’importe quoi au nom de ma liberté. Ma liberté ne m’autorise pas à attenter à la vie d’autrui et à ses intérêts. d Mais l’interdit a aussi une fonction positive. En effet, comme je l’ai déjà évoqué, la limite que pose l’interdit ouvre aussi l’espace de ce qu’il est permis de faire. Ainsi par exemple, l’interdiction de voler libère la voie à une multitude d’autres actions possibles. Dire qu’il est interdit de voler, c’est aussi dire quelque part qu’il est permis d’échanger, de partager, de donner, de prêter. e À côté des interdits, il existe encore d’autres règles morales. Je veux parler ici des devoirs. À l’inverse des interdits qui s’expriment de façon négative ne fais pas ceci, ne fais pas cela», les devoirs se formulent de façon positive si tu veux être heureux et vivre en paix avec les autres, alors tu dois faire ceci». Ils sont également indispensables à la vie de la société. Parmi les différents devoirs, nous trouvons le devoir de porter secours à une personne en danger, le devoir de respecter autrui, le devoir des parents de s’occuper de leurs enfants de les nourrir, de les loger, de les éduquer, etc. f Les interdits et les devoirs forment ensemble ce que nous appelons les normes» .2 Ces normes ont toutes la même fonction elle visent à assurer la survie et le bien-être de la société. Et, c’est précisément parce que les normes sont si importantes, parce que sans elles les relations sociales seraient menacées, que personne ne peut prétendre leur échapper et refuser de s’y soumettre, sauf à se mettre délibérément en marge de la société. En principe, les normes sont donc valables pour tout le monde indifféremment et personne ne peut contester leur validité. II. La remise en question de l’interdit Or, on constate justement qu’aujourd’hui les normes sont de plus en plus contestées. De plus en plus de gens s’opposent à l’idée que l’on puisse imposer des règles de conduite et contraindre chacun à agir de telle ou telle manière. Cette remise en question des normes est selon moi la conséquence de deux phénomènes. 1. La Liberté une entrave à l’interdiction Le premier est lié à l’importance croissante que nous accordons à la liberté de l’individu. Ce phénomène touche tout particulièrement le domaine des interdits. De nos jours, tout le monde s’accorde pour dire que la liberté individuelle est une valeur essentielle .3 Dans nos sociétés libérales et démocratiques, la liberté a d’ailleurs acquis une telle place que l’on est de moins en moins prêts à accepter que des interdits viennent la limiter. Du coup, il devient toujours plus difficile de justifier l’établissement de certaines interdictions. Je ne veux dire par là que les interdits sont en train de disparaître. Mais force est de constater que notre rapport à l’interdit a changé. Si nous sommes aujourd’hui encore disposés à accepter que des normes limitent notre agir, c’est uniquement parce que nous estimons que c’est le seul moyen de protéger notre liberté. En effet, si je veux pouvoir librement faire du commerce, choisir ma religion, parler et exprimer mon opinion, alors il faut que je m’astreigne à certaines règles de conduite minimales. L’interdit est donc envisagé comme quelque chose d’essentiellement négatif il est un mal nécessaire auquel je consens dans le seul but de conserver ma liberté. 2. L’écroulement de la vérité éthique et ses conséquences pour notre conception de l’interdit Le deuxième phénomène qui conduit selon moi à une remise en question des normes sociales est lié à la manière dont nous envisageons la question de la Vérité. a On s’accorde en général pour reconnaître que notre époque, que nous avons coutume d’appeler l’époque moderne, se distingue des époques précédentes par le fait que nombre de nos certitudes se sont écroulées. En effet, les grandes révolutions technologiques l’apparition du train, le développement de l’industrie, la découverte de nouveaux continents, d’autres façons de vivre, de croire, de penser, l’émergence de l’imprimerie et de nouveaux modes de communication, tous ces changements sont venus bouleverser notre conception traditionnelle du monde. Du coup, nos anciens schémas de pensée, notre ancienne façon d’organiser les rapports sociaux, de croire en Dieu, tout cela ne fonctionne plus de manière évidente. Nous sommes dès lors conduits à modifier notre ancienne vision du monde et à ré-agencer les rapports entre la religion, l’économie, la politique, l’éthique, etc. Alors que par le passé ces différents domaines formaient entre eux un ensemble relativement cohérent, on peine parfois aujourd’hui à voir encore le lien qui les unit. Ainsi, par exemple, la relation de continuité qu’il y avait autrefois entre l’organisation monarchique de la vie politique et la vision religieuse du monde semble s’être progressivement estompée. Il devient toujours plus difficile de percevoir le rapport qu’il y a entre notre conception de l’État moderne et notre vision de la religion ces deux domaines nous semblent de plus en plus étrangers l’un à l’autre. Le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui nous apparaît comme fragmenté. Il se compose d’une multitude de systèmes différents le système économique, le système religieux, le système juridique, le système politique, etc. qui fonctionnent chacun selon sa logique propre. Chaque domaine de la vie a ses propres règles, sa propre cohérence, ses propres critères d’organisation, bref sa propre vérité. La Vérité avec un grand V, celle qui organisait les différents domaines de la vie entre eux et qui donnait une certaine cohérence à notre vision du monde, n’existe donc plus. Mais nous avons désormais affaire à une pluralité de vérités partielles la vérité économique, la vérité éthique, la vérité religieuse, etc.. Ce phénomène de fragmentation de la Vérité se poursuit et s’accentue de nos jours au point que chaque système tend à se subdiviser à son tour. Ainsi, le domaine de l’éthique se morcelle en une multitude de vérités éthiques4. Chaque culture, chaque groupe social, chaque personne même possède sa vérité éthique. Il n’y a plus un seul comportement juste face à la question de l’avortement, de l’euthanasie ou du maïs transgénique, mais plusieurs attitudes semblent également défendables d’un point de vue éthique. b Il va sans dire que cette multiplication des vérités éthiques nous fait tendre vers un certain relativisme. Dès lors qu’il n’existe plus une seule vérité éthique, toutes les éthiques se valent, aucune n’est meilleure que l’autre et plus personne ne peut prétendre défendre des normes plus justes ou des valeurs plus précieuses que les autres. Il devient du coup d’autant plus difficile d’imaginer des normes morales communes. En effet, comment et au nom de quelle vérité supérieure aurait-on le droit d’interdire tel ou tel comportement, d’imposer telle ou telle règle morale ? Chacun n’a-t-il pas le droit de défendre sa propre conviction, sa propre croyance éthique? Notre rapport à l’euthanasie est à ce titre exemplaire, et ce d’autant plus que l’on touche avec elle à l’interdit fondamental du meurtre. Il est intéressant en effet de noter que chacun envisage cette question à partir de ce qui constitue pour lui la vérité. Certains estiment ainsi qu’il faut autoriser l’euthanasie. D’autres qu’elle doit être punie. D’autres encore pensent qu’il est indispensable de condamner moralement l’euthanasie, mais qu’il n’est pas nécessaire de poursuivre juridiquement les médecins qui la pratiquent. Face à une telle diversité d’opinions éthiques, est-il encore possible de trouver un consensus éthique ? Dans ce contexte de relativisme éthique, il semble illusoire de vouloir instaurer des normes morales communes. Cependant, comme je l’ai déjà dit, nous avons besoin de telles règles pour pouvoir vivre ensemble. Nous avons besoin d’interdits pour mettre un frein à la violence inhérente à notre liberté. Mais une restauration des règles morales est-elle encore possible aujourd’hui ? Ne risque-t-on pas d’aboutir inévitablement à une nouvelle absolutisation des normes ? Peut-on imposer des règles de vie commune sans sombrer dans le moralisme et la dictature de l’éthique ? Autrement dit, est-il vraiment possible d’établir des interdits sans porter atteinte à la liberté de l’individu ? L’ébranlement de nos certitudes morales semble avoir radicalement mis en doute toute tentative visant à réaliser un accord sur ce qu’il est juste de faire et sur ce qui ne l’est pas, de sorte qu’il ne paraît plus possible aujourd’hui d’assurer la validité de nos choix et de nos actions. Céline Ehrwein haut La religion et la morale, par Alain Houziaux Il faut clairement distinguer la morale de la plupart des religions n’ont pas de dimension champ de la religion, c’est celui du rituel, du sacré, de la pureté, de la mystique, ce qui n’a rien à voir avec la morale. La morale est une composante du fait humain et non du fait religieux. Elle est de l’ordre des mœurs et non de la foi. “La morale n’est pas un ordre venu de dehors, même du ciel ; c’est la voix de la raison humaine, même si celle-ci est reconnue, après coup, par certains, comme une voix divine”1. La morale, c’est un fait naturel2 par opposition à surnaturel. La morale, c’est le propre de l’homme même si ses formes dépendent non seulement de sa nature mais aussi de sa culture. La morale a pour objet le bien et le le bien et le mal ne sont pas des valeurs religieuses, mais simplement des valeurs à César ce qui est à n’est pas nécessaire d’être croyant pour être moral, Dieu merci ! Ainsi, il n’y pas une morale qui serait chrétienne et qui, de ce fait, serait différente de la morale laïque et n’y a pas de morale et même l’agape, c’est-à-dire l’amour gratuit, n’est pas l’apanage du Christianisme mais relève de la dignité de l’homme et d’une exigence universelle. • Et pourtant, il faut le reconnaître, la morale de notre civilisation s’est formée sur l’influence du judaïsme et du semble contredire le point précédent, mais en fait il n’en est rien. Pour tenter de préciser les relations complexes entre le judéo-christianisme et la morale, on peut reprendre la métaphore du conte d’Andersen Le vilain petit Judaïsme et le Christianisme ont donné naissance à la morale un peu comme les canards du conte on couvé l’œuf du judéo-christianisme a couvé et élevé la morale, mais la morale n’est pas née du est le “vilain petit canard” du judéo-christianisme. Ainsi la religion n’est en rien la mère de la le fait d’être “religieux” n’implique pas que l’on soit “moral”.Il se peut même que le sentiment religieux soit si fort et si exclusif qu’il oblitère le sens moral naturel le fanatisme religieux en est un exemple. Et de même, dans une société donnée, la morale prend de l’importance lorsque la religion et le surnaturel perdent de leur importance et peut-être même parce qu’ils perdent de leur importance c’est sans doute ce qu’il se passe en ce moment.Et c’est pourquoi la morale peut apparaître comme un héritage du sentiment religieux. • On peut dire en effet que la morale, c’est ce qu’il reste de la religion quand il n’y a plus de religion. Ainsi, “la morale, c’est ce qui reste de la peur quand on l’a oubliée” peur est une caractéristique fondamentale de la peur, c’est la peur de Dieu et de son jugement. Et cette peur a pour avatar5 le sens moral lorsque la religion se perd, c’est-à-dire lorsque la peur de Dieu se effet le désir de se conduire de manière morale procède d’une forme de crainte, la crainte de démériter, la crainte de ne pas faire son devoir, la crainte d’être mal cette crainte peut être considérée comme une rémanence du sentiment religieux. Ainsi de même, la morale, c’est ce qu’il reste du commandement religieux de l’amour et du sacrifice de soi lorsqu’il n’est plus considéré comme un commandement de l’amour gratuit et du sacrifice de soi est une prescription de la religion et en particulier de la religion si cette prescription religieuse perd son caractère absolu et sacrificiel par exemple parce qu’elle est jugée masochiste et culpabilisante, l’exigence morale prend le morale appelle à un ersatz de l’amour. “La morale est un semblant d’amour agir moralement, c’est agir comme si l’on aimait”6. Ainsi encore, la morale, c’est également ce qu’il reste de la prédication de Jésus-Christ, lorsqu’on a oublié son sens et sa radicalité iconoclaste. La prédication de Jésus-Christ, c’est l’anti-morale, c’est l’absolution de l’immoralité, puisque c’est l’annonce de la miséricorde et du pardon de Dieu pour les la prédication de Jésus, la loi morale n’est là que pour démontrer au pécheur son péché afin d’aiguiser son appel à la grâce et au pardon de lorsque l’on oublie que la prédication de Jésus est celle de la grâce, on la comprend seulement comme une forme de morale. Ainsi, enfin, la morale, c’est ce qu’il reste de la foi quand on a perdu la foi se moque de la morale, car elle est de l’ordre de la passion et de la dénégation des règles et des sagesses de ce la foi, lorsqu’elle perd sa radicalité passionnelle, se transforme en morale et en réflexion sur le bien et le récit biblique de la “chute” c’est-à-dire de consommation par Adam et Eve du fruit de l’Arbre de la connaissance du bien et du mal le montre effet, ce récit va même jusqu’à considérer que la tentation de vouloir connaître ce qui est le bien et le mal constitue la première désobéissance à Dieu. On ne peut différencier plus nettement la morale de la religion. • Et pourtant c’est vrai, la morale, la nôtre, celle du monde occidental, celle des Droits de l’Homme, est enfant du uniquement comme le petit cygne est un “enfant” des canards. On pourrait peut-être même dire que le judéo-christianisme a couvé des œufs qui ne sont pas les siens faute peut-être de pouvoir pondre et couver des œufs qui lui soient propres ! Ces “vilains petits canards” qui ont été couvés et élevés par le judéo-christianisme, sans être pour autant des enfants du judéo-christianisme, ce sont la science dont le Christianisme a légitimé le caractère laïque et profane7, et aussi les Droits de l’Homme qui peuvent être considérés comme un avatar de la loi de Moïse, et aussi la morale qui peut être considérée comme un substitut casuistique de l’exigence du pur amour, du sacrifice parfait et total. • Mais depuis quelques temps, le judéo-christianisme a une attitude ambivalente vis-à-vis de ces “vilains petits canards” qu’elle a couvés et spécialement vis-à-vis de la morale. Depuis peu, catholiques et protestants sont tombés d’accord pour dire que l’homme est justifié par grâce seule. S’il en est ainsi, c’est donc qu’il ne l’est pas par ses mérites ni par son attitude fait d’agir moralement n’est plus considéré comme la condition nécessaire du salut. Dans ce cas, quelle place peut-on faire à la morale ? Certains diront que le chrétien doit tenter de vivre de manière morale par reconnaissance envers Dieu pour la justification par grâce seule qui lui a été accordée indépendamment de ses mérites et de sa conduite morale.Il nous faudrait donc vivre de manière morale par reconnaissance envers Dieu, et ce alors même que la justification et le salut nous ont été accordés par grâce c’est-à-dire même si nous sommes immoraux, et peut-être parce que nous sommes immoraux. D’autres diront que le chrétien doit tenter de vivre de manière morale non pour des raisons religieuses et individuelles, mais pour des raisons profanes et sociales.Pour en être chrétien, on n’en est pas moins ceci n’a pas à être compris comme une forme de concession à la comme une place légitime donnée à l’homme effet, en accord avec la “théologie des deux règnes”, c’est la foi elle-même qui reconnaît la pleine légitimité et la pleine indépendance du règne du profane dont fait partie la c’est pour faire honneur au fait que nous sommes “hommes” et à cette dignité laîque, naturelle et profane, que le chrétien doit tenter de vivre de manière morale. Quant à moi, je prendrai une position l’ai dit, qu’il n’y a pas de morale n’y a qu’une morale sociale et naturelle, laïque et il y a une manière chrétienne de vivre cette morale naturelle et non modalité “chrétienne”, c’est celle de la pour rien, gratuitement et sans raison que nous avons à tenter de vivre de manière sais bien que “pour rien” et “pour Dieu” sont très à tout prendre, je préfère “pour rien”.Car faire quelque chose à la seule gloire de Dieu soli deo gloria, c’est le faire “pour rien”, sans en retirer aucun profit. Car la foi, Simone Weil le dit clairement, c’est non pas ce qui donne une raison d’être à la vie, au travail, à la souffrance et à la morale, mais c’est ce qui nous dispense de chercher une raison d’être à la vie, au travail, à la souffrance et à la nous savons que nous sommes justifiés par grâce, nous sommes libérés de la préoccupation d’avoir à donner un sens et une raison d’être à la vie et à la chrétien accepte le “pour rien”, le “sans raison” et même l’absurde de l’exigence morale. Il fait de la gratuité sa réponse à la grâce. “Puisque nous avons reçu gratuitement, donnons gratuitement”8. Et donner gratuitement, c’est vivre de manière morale, gratuitement, sans raison. Ce serait se méprendre que de croire qu’il faut tenter de vivre de manière morale par reconnaissance pour la justification par grâce qui nous a été n’en est seule réponse cohérente avec le fait que nous sommes justifiés par grâce seule, c’est l’acceptation du fait qu’il nous faut vivre, agir et être moral sans aucune raison, sans aucune justification. • Ainsi, le Christianisme, depuis quelques décennies a entrepris de renier “le vilain petit canard” de la morale qu’il a pourtant couvé et fait il n’y est pas allé de main morte ! Et il s’est débarrassé, à tort à mon avis, des notions de péché, de culpabilité, de moralité, d’examen de conscience, de confession des péchés ! Un peu trop vite à mon voudrais dire je voudrais donner des raisons qui sont plutôt d'opportunité historique. Le Christianisme authentique est peut-être en train de religion du XXIème siècle ne sera pas le Christianisme, en tout cas pas le Christianisme de Jésus-Christ, le doux prophète de Galilée qui prêche la grâce pour les religion du XXIème siècle sera peut-être celle du fanatisme, du totalitarisme et de l’intégrisme ou celle d’une sorte de religiosité “solf”, syncrétiste et vaguement l’un et l’autre cas, il n’est pas certain que la morale, et spécialement la morale de l’amour gratuit et du renoncement à soi-même, ait une place assurée. Et peut-être regrettera-t-on au XXIème siècle que le Christianisme ait renié son vilain petit canard de morale qui aurait pu être son seul héritage, sa seule survivance dans un monde déchristianisé, paganisé et fanatisé. A mon sens, ce qu’il doit rester du judéo-christianisme authentique, même si celui-ci venait de disparaître en tant que foi à la Grâce, c’est le sens de la gratuité, du “pour rien”, du “à la seule gloire de Dieu”. Et en particulier le sens d’une morale “pour rien”, “pour l’absurde”9. Si ce sens du “pour rien” se meurt lui aussi, la morale deviendra un outil comme un autre service du profit, de la réussite et de la promotion les entreprises on enseigne déjà qu’il faut être moral parce que, en fin de compte, “ça paye”. J’ai peur que le sens de la gratuité et du “pour rien” ne soit en train de se je ne voudrais pas qu’il en soit moi, le propre de l’homme, sa dignité propre, c’est l’aptitude à la gratuité, au “pour rien”, au “même si c’est absurde”.Il me semble indispensable que l’attitude morale reste une attitude désintéressée, gratuite, pour l’honneur de l’homme, à défaut de pouvoir rester “pour l’honneur de Dieu”. Si nous n’avons à retenir qu’une seule chose de la prédication chrétienne, je voudrais que ce soit le sens de la même si le credo quia absurdum10 de la foi judéo-chrétienne venait à disparaître, je voudrais que, néanmoins, persiste, après lui, un “je veux rester un être moral, même si c’est absurde, parce que c’est absurde”. Alain Houziaux haut
1C’est un point sur lequel Dummett attire l’attention dans sa réponse à l’article de McGuinness. Comme il l’explique, non seulement une des caractéristiques de la connaissance que l’on peut attribuer à Dieu semble être justement d’ignorer la distinction entre les choses telles qu’elles sont et les choses telles qu’elles apparaissent – Dieu ne les connaît dans tous les cas que de la première façon – mais, en outre, il est possible que nous ayons besoin de Dieu et de la façon dont il connaît les choses pour pouvoir donner dans tous les cas un sens à l’idée de connaître les choses telles qu’elles sont réellement, par opposition à les connaître seulement telles qu’elles apparaissent 1 Michael Dummett, Reply to McGuinness », in Brian McGuinness & Gianluigi Oliveri, The Philosophy o ... Le principe dont elle [la connaissance de Dieu] dépend est qu’il doit appréhender les choses comme elles sont réellement comme elles sont en elles-mêmes, plutôt que comme elles apparaissent d’un point de vue ou d’une perspective particuliers ou par l’usage de facultés particulières. La réflexion sur la conception que saint Augustin a de Dieu comme étant la vérité elle-même permet une énonciation plus exacte de ce principe la manière dont les choses sont en elles-mêmes doit être définie, et peut être définie uniquement, comme la manière dont elles sont appréhendées par Dieu, ou comme la manière dont Dieu sait qu’elles sont. Nous faisons des distinctions entièrement valides entre la manière dont les choses apparaissent et la manière dont elles sont, des distinctions qui dépendent toujours de la possibilité pour nous de découvrir comment elles sont. Mais elles ne sont pas toutes des applications d’une distinction absolue unique elles forment une multiplicité de distinctions différentes, dont chacune est relative à un contraste différent entre les apparences et la réalité découvrable. Qu’est-ce qui nous donne simplement l’idée qu’il y a un niveau ultime auquel une telle distinction ne peut plus être faite ? C’est seulement par une référence à la connaissance que Dieu a de la réalité que cette idée peut être revendiquée. Car la manière dont la réalité se présente à Dieu doit être la manière dont elle est en elle-même, puisque Dieu n’a pas à chercher ce qu’il y a derrière les apparences il n’appréhende rien d’une façon particulière ; il n’a pas de point de vue. Sans recourir à la manière dont Dieu appréhende la réalité, cependant, nous n’avons pas de garantie qui nous permette de supposer qu’il y a une limite au processus qui consiste à aller au-delà des apparences en direction de la réalité telle qu’elle est en elle-même ; et, même si nous présupposons une telle limite, nous n’avons pas de raison de supposer que nous pouvons l’atteindre1. En d’autres termes, il est possible que le point de vue du réalisme – qui soutient qu’il y a une limite au processus qui consiste à aller au-delà des apparences et qui est constituée par ce qu’on appelle connaître la réalité telle qu’elle est en elle-même » – ait besoin, en quelque sorte, d’une garantie théologique connaître les choses telles qu’elles sont en elles-mêmes ne peut vouloir dire, en fin de compte, que les connaître telles que Dieu sait qu’elles sont. C’est la conclusion vers laquelle incline ouvertement Dummett, pour des raisons qui méritent sûrement d’être prises en considération. Mais il ne faut surtout pas perdre de vue que ce qui est en question ici est uniquement une idée absolue et applicable dans tous les cas de la manière dont les choses sont en elles-mêmes, et non la possibilité pour nous de faire dans de nombreuses occurrences, par des moyens qui diffèrent selon les cas, une distinction justifiée entre la manière dont les choses sont réellement et la manière dont elles nous apparaissent quand elles sont considérées de tel ou tel point de vue ou appréhendées à l’aide de telle ou telle faculté 2 Ibid. Le contenu d’une description de la réalité physique en termes ordinaires, ou dans des termes quelconques qui sont en partie dépendants de l’expérience quotidienne, est donné par ses conséquences pour une observation possible d’elle, par nous-mêmes ou par des êtres hypothétiques dotés de facultés semblables ; nous n’avons par conséquent aucune appréhension grasp de ce que cela serait pour elle que d’exister dans un univers dépourvu de toute forme de vie douée de sensation. Nous supposons néanmoins que nous avons nous-mêmes une appréhension de cette sorte, puisque, en l’imaginant comme existante, nous nous imaginons subrepticement en train de l’observer. En contraste avec cela, nous ne supposons même pas que nous avons nous-mêmes une appréhension quelconque de ce que cela serait pour une chose quelconque décrite en termes purement abstraits, structuraux, que d’exister comme réalité physique, indépendamment du fait qu’elle donne lieu à des phénomènes que nous pouvons observer. Nous ne pouvons pas atteindre à une forme de description qui, en même temps, est complètement indépendante de notre expérience et peut être comprise comme décrivant une réalité physique dont l’existence est intelligible en elle-même. Cela ne signifie pas que la notion absolue de la manière dont les choses sont en elles-mêmes est incohérente, mais seulement qu’on ne peut lui donner un sens qu’en l’identifiant à la manière dont elles sont connues par Dieu2. La connaissance de Dieu est supposée être une connaissance sans point de vue et sans référence à la distinction des facultés. Mais on peut penser que son omniscience implique qu’il sait, malgré tout, de quelle manière les choses apparaissent à des êtres qui les considèrent de tel ou tel point de vue, avec des moyens de connaissance plus ou moins limités et en utilisant des facultés de telle ou telle espèce. Et il sait également, du même coup, si la manière dont elles nous apparaissent est ou non conforme à ce qu’elles sont réellement, autrement dit, à la manière dont il sait qu’elles sont. Par conséquent, il doit connaître la réponse aux questions ontologiques, qui constituent, selon Vuillemin, la source principale de la division entre les philosophies, et à celle de la distinction que nous aimerions pouvoir faire entre les choses qui sont réellement et celles qui semblent seulement être. C’est même peut-être, après tout, le fait qu’il le sache, et lui seul, qui donne son sens à l’idée qu’il y a quelque chose qui est décidé et qui l’est indépendamment de nous dans ce domaine. 2L’article de McGuinness dont je vous ai parlé la dernière fois a été inspiré en grande partie par le lien que Dummett semble avoir eu tendance à instaurer entre le réalisme et le théisme. C’est en tout cas une tendance qu’il avait au début. McGuinness explique qu’il se souvient de l’avoir entendu dire que l’argument le plus satisfaisant, ou le moins insatisfaisant, en faveur de l’existence de Dieu était celui qui identifie, de façon augustinienne, Dieu à la vérité. Dans la préface de Truth and Other Enigmas 1978, Dummett écrit 3 Michael Dummett, Truth and Other Enigmas, London, Duckworth, 1978, Préface, p. XXXIX. Je n’ai personnellement aucun engagement inébranlable en faveur d’un antiréalisme dans un aucun de ces cas, pas même dans le cas mathématique. Effectivement, j’ai donné une fois une conférence, dont je n’ai pas inclus le texte dans cette collection, arguant en faveur de l’existence de Dieu pour la raison, entre autres, que l’antiréalisme est en fin de compte incohérent, mais que le réalisme n’est tenable que sur une base théiste. C’est essentiellement l’argument de Berkeley en faveur de l’existence de Dieu, un argument qui est habituellement caricaturé et qui suscite toujours des ricanements. Je n’ai pas inclus l’article, parce que je ne crois pas que j’en sache de près ou de loin suffisamment sur la question du réalisme pour être justifié à avancer un tel Autrement dit, d’après ce qu’il dit lui-même, Dummett semble avoir été enclin, à l’époque, à utiliser un argument du type suivant Ou bien l’antiréalisme est vrai, ou bien c’est le réalisme qui l’est. Or l’antiréalisme se révèle en fin de compte incohérent, par conséquent il est faux et même impossible. S’il est faux, le réalisme est vrai ; et s’il est vrai, alors le théisme est vrai. Par conséquent, Dieu existe. Ce que cela signifie peut être précisé, d’après McGuinness, de la façon suivante 4 Brian McGuinness, Truth, Time and Deity », The Philosophy of Michael Dummett, op. cit., p. 231-23 ... Il y a une approche traditionnelle de la théodicée qui explique pourquoi le théisme comme Dummett le fait remarquer est vu comme un allié naturel du réalisme. Saint Augustin a des passages dans lesquels il dit que Dieu est la Vérité dans et par laquelle toutes les choses sont intelligibles ; que la première chose que nous devons connaître est la Vérité, par l’intermédiaire de laquelle toutes les autres choses peuvent être connues, que c’est dans la Vérité c’est-à-dire, en Dieu que les vérités éternelles des mathématiques par exemple sont connues ; que nos jugements sur toutes les choses sont formulés en accord avec la Vérité divine. De fait, sa forme de démonstration principale de l’existence de Dieu est ce qu’il appelle une montée de l’âme à Dieu, une montée que l’âme effectue en reconnaissant comme supérieure à elle-même une Vérité, qui ne peut qu’être identique à Dieu. Cette forme de platonisme car c’est ce qu’elle est littéralement pourrait être considérée comme un argument, ou du moins comme une attitude d’esprit, qui dès le départ rejette le constructivisme. L’esprit est astreint à reconnaître qu’il y a en mathématiques un corps de vérités qu’il n’est pas capable d’inventer et auxquelles il n’est pas non plus capable de résister quand son attention est attirée sur elles. Platon, comme nous le savons d’après le Phédon par exemple, pensait que les mathématiques sont simplement le domaine dans lequel ces caractéristiques d’un monde supérieur sont le plus évidentes, mais qu’en fait l’appréhension de ce monde supérieur est impliquée dans toute pensée qui vise à la vérité4. 3En ce qui concerne le genre de connaissance que Dieu a des mathématiques ou de quoi que ce soit d’autre, la vérité est peut-être que nous ne sommes pas en mesure de nous en faire une idée quelconque et que nous ne devrions pas essayer de le faire. Mais il y a des raisons de penser que, s’il connaît quelque chose en mathématiques, et même le tout des mathématiques, il s’agit des mathématiques telles que nous les connaissons. S’il y a une démonstration de l’existence d’un couple de nombres premiers de la forme n, n + 2, qui est le plus grand de tous, Dieu connaît cette démonstration ; et il sait également s’il y en a une ou non. Dire qu’il sait s’il existe ou non un couple de nombre premiers de cette sorte ne semble pas pouvoir signifier autre chose. Il n’est pas nécessaire et il peut même sembler étrange de se le représenter en train de regarder la suite entière des nombres naturels ou celle des nombres premiers déroulée complètement devant lui et d’y lire en quelque sorte la réponse à la question posée. Si Dieu se préoccupe de décider des questions mathématiques, il est raisonnable de supposer qu’il le fait, lui aussi, mathématiquement, et non pas par une forme d’expérience ou de quasi-expérience dont nous, êtres finis, sommes malheureusement privés. Ce n’est rien d’autre qu’une façon de souligner que, comme le dit Leibniz, il connaît dans tous les cas les choses par leurs raisons complètes et non pas simplement de façon factuelle ou quasi-factuelle. 4Mais peut-être les choses ne se passent-elles pas du tout de cette façon. Comme le dit McGuinness 5 Ibid., p. 236. C’est une erreur de s’imaginer qu’Il se fixe lui-même la tâche de découvrir des démonstrations pour des théorèmes supposés, de même que comme nous l’avons sous-entendu, Il n’est pas Lui-même intéressé par l’idée de diviser les propositions en analytiques et synthétiques, a priori et a posteriori, bien qu’il sache comment nous devrions, et effectivement si nous devrions les diviser de cette manière. Boswell raconte une anecdote à propos du Dr. Johnson, qui a clos une discussion portant sur la question de savoir comment Dieu a pu abattre cinq ou dix mille Philistins dans une bataille de l’Ancien Testament en disant Nous ne devons pas supposer que l’Ange du Seigneur s’est mis en devoir de les poignarder avec une dague, ou les a frappés sur la tête homme par » Si je comprends bien McGuinness, il veut dire notamment que Dieu n’est peut-être pas intéressé par l’idée de se poser les questions philosophiques que nous nous posons ; mais, en tout cas, il connaît les réponses que nous devrions leur donner et il sait également si nous avons raison ou non de les poser. Elles pourraient, bien entendu, également être mal posées ou dénuées de sens et n’avoir par conséquent pas de réponses. Il semble légitime de supposer que Dieu ne sait pas seulement dans quel sens une question philosophique est décidée à l’intérieur de tel ou tel système, mais sait également lequel de ces systèmes est le bon et devrait être choisi par nous, même si nous-mêmes n’avons probablement pas les moyens de savoir que c’est celui-là qui est le bon et de le choisir pour cette raison. Il est important de ne pas oublier que l’idée de l’omniscience divine ne joue pas seulement un rôle dans notre conception de choses comme la vérité et la connaissance, mais également dans la façon dont nous nous représentons la vie morale. Il y a de bonnes raisons de penser que Dieu seul est en mesure de connaître l’histoire complète de nos actions et des motivations qui les ont inspirées, de sorte qu’il est aussi le seul à pouvoir juger réellement les mérités et les fautes 6 Ibid., p. 239. L’idée d’un Jugement dernier, et l’idée que c’est Dieu qui sonde les esprits et les têtes des hommes, combinent l’idée qu’il y a un compte rendu complet de ce que nous sentons et du pourquoi de nos actions avec l’idée que, dans notre état présent, nous ne pouvons pas l’atteindre. Sans l’idée de l’omniscience de Dieu, nous devrions supposer que notre vie morale a le caractère indéfini d’un rêve ; avec elle, nous pouvons supposer que même les rêves ne sont pas insondables et nous devons supposer qu’il y a une réponse correcte à des questions portant sur les motifs et les mérites qui sont pour nous indécidables6. 5Ce que dit McGuinness me semble tout à fait exact. Je trouve fascinant et, pour tout dire, un peu inquiétant d’entendre fréquemment, à la radio ou à la télévision, les victimes ou leurs représentants dans certains procès d’assises déclarer, avec une insistance presque obsessionnelle, qu’ils voudraient à tout prix que les accusés s’expliquent au moins réellement sur les raisons pour lesquelles ils se sont conduits comme ils l’ont fait et ont commis les abominations que le tribunal va s’efforcer de juger. D’une part, est-on tenté d’objecter, il n’est pas du tout certain, dans un bon nombre de cas, qu’ils le sachent eux-mêmes. D’autre part, il n’est pas non plus certain que qui que ce soit ait les moyens de le savoir réellement. On pourrait même aller plus loin que cela et suggérer qu’il n’est même pas certain que l’explication demandée existe véritablement chaque fois. Il se pourrait que, comme dans le cas du réalisme, nous ayons besoin ici, à nouveau, de l’idée d’un sujet connaissant omniscient comme garantie de l’existence d’une histoire complète de l’action qui permettrait de décider toutes les questions ayant trait aux motivations, aux mérites et aux fautes. Que l’idée d’une histoire de cette sorte puisse comporter, elle aussi, un aspect proprement théologique, est une chose qui ne fait guère de doute à mes yeux. S’il y a un Évaluateur et un Juge ultime, il est légitime de supposer qu’il y a une réponse dans tous les cas. D’un point de vue antiréaliste, il est plus raisonnable de considérer que c’est nous et nous seuls qui jugeons et construisons dans tous les cas la réponse avec les moyens limités et relativement incertains dont nous disposons. Mais cela signifie, justement, qu’il n’y a pas de garantie a priori que la réponse existe nécessairement dans tous les cas. 6Je ne suis pas là, cependant, pour vous parler de ce qui se passe dans les tribunaux humains ou de ce qui se passera au Jugement dernier. Ce qui nous intéresse est uniquement ce que nous devons dire à propos de la philosophie. Son cas ne ressemble apparemment pas beaucoup à celui des mathématiques. Ne ressemblerait-il pas davantage, en fin de compte, à celui de la morale ? On pourrait être tenté de dire, dans ces conditions, que notre vie philosophique elle-même aurait le caractère indéfini et même souvent confus d’un rêve si nous ne nous sentions pas autorisés à supposer implicitement que quelqu’un connaît la réponse correcte aux questions que nous nous posons même en philosophie, ce que Charles Du Bos appelle la constante manipulation de l’insoluble » que nous nous permettons et à laquelle nous nous livrons même avec passion a peut-être un besoin essentiel de l’idée que les solutions n’en existent pas moins bel et bien et que quelqu’un – un être omniscient comme Dieu –, qu’il soit ou non intéressé par les problèmes eux-mêmes, sait ce qu’elles sont. 7Qu’en est-il, sur ce point, des questions ontologiques, dont Vuillemin, comme je l’ai rappelé, pense qu’elles constituent le principe de la division et du conflit en philosophie, et dont on peut dire, par conséquent, qu’une décision les concernant permettrait de mettre fin au désaccord qui existe entre les philosophies ? 7 Jules Vuillemin, What are Philosophical Systems, Cambridge University Press, 1986, [désormais WPS], ... La philosophie est comme l’axiomatique en ce que toutes les deux cherchent la vérité. Mais à la différence de la vérité scientifique, sa considération de l’ontologie amène la philosophie à généraliser une opposition qui est seulement d’une importance locale et mineure dans la science. Des systèmes philosophiques rivaux luttent pour des frontières reconnues, sinon fixées, entre apparence et réalité7. 8 WPS, p. 113. Telle qu’elle est appliquée à l’ontologie, l’axiomatique produit inévitablement le pluralisme et le désaccord. De fait, la raison philosophique est née et vit dans la contestation8. Les questions ontologiques se présentent généralement sous la forme de questions d’existence concernant des objets d’une certaine sorte, comme par exemple les nombres ou les objets abstraits en général. Dans sa réponse à McGuinness, Dummett commence par remarquer qu’elles ont un caractère assez spécial et qui est susceptible de nous laisser un peu perplexes 9 Hartry Field, Science Without Numbers. A Defence of Nominalism, Oxford, Basil Blackwell, 1980. 10 Dummett, Reply to McGuinness », op. cit., p. 350. Un nominaliste comme Hartry Field9 ne croit pas qu’il y ait des choses quelconques du genre des nombres réels. Qu’est-ce exactement qu’il ne croit pas ? Aussi complètement dans l’erreur que nous puissions penser qu’il est, il serait facile de le comprendre s’il pensait que cela n’a pas de sens de parler de nombres réels mais peut-il être crédité d’une pensée comme celle-là ? Il comprend que les théories scientifiques doivent être reformulées si elles veulent éviter toute référence aux nombres réels et à des entités mathématiques semblables ; et il comprend la finalité de ces théories, dans l’état où elles sont avant d’avoir été reformulées, suffisamment bien pour savoir ce qui comptera comme une reformulation. Il sait, par conséquent, quelle contribution l’assomption de l’existence de nombres réels apporte à l’énoncé d’une théorie scientifique ; comment, dans ces conditions, pourrait-on dire de lui qu’il ne comprend pas le sens de ce qu’on dit quand on parle d’eux ? Ses arguments ne prennent pas la forme qui consisterait à démontrer que la référence aux nombres réels est dénuée de sens ce sur quoi il insiste est plutôt le fait que nous n’avons pas et ne pourrions pas avoir de preuves quelconques en faveur de leur existence. On comprendrait, par conséquent, mieux sa thèse si on lui faisait dire que nous pouvons, au prix d’une bonne quantité de travail à fournir, dire tout ce que nous désirons dire sans avoir à assumer ou à présupposer qu’il existe des nombres réels quelconques ; puisque nous ne savons pas qu’ils existent, nous ferions mieux de dire les choses de cette manière, ou tout au moins de stipuler que c’est tout ce que nous avons l’intention d’asserter. Bien entendu, sa position sera implausible s’il soutient qu’il peut y avoir ou ne pas y avoir des nombres réels, et que, s’ils n’existent pas, néanmoins ils auraient pu exister ; il sera sur un sol plus ferme s’il affirme non seulement qu’il n’y en a pas, mais qu’il n’aurait pas pu y en avoir. Sa raison pourrait être qu’il est impossible qu’il y ait quoi que soit dont il est impossible de connaître l’existence10. 8La difficulté que signale Dummett à propos de l’interprétation des questions ontologiques comme celle de l’existence des nombres réels ou celle de l’existence des nombres en général est réelle et sérieuse. Au début de son livre, Hartry Field écrit 11 Hartry Field, op. cit., p. 1. Le nominalisme est la doctrine selon laquelle il n’y a pas d’objets abstraits. Le terme entité abstraite » peut ne pas être entièrement clair, mais une chose qui semble claire est que de telles entités prétendues comme les nombres, les fonctions et les ensembles sont abstraites – c’est-à-dire, elles seraient abstraites si elles existaient. En défendant le nominalisme, par conséquent, je nie que les nombres, les fonctions, les ensembles, ou des entités semblables quelconques existent. Puisque je nie que les nombres, les fonctions, les ensembles, etc., existent, je nie qu’il soit légitime d’utiliser des termes qui visent à faire référence à de telles entités, ou des variables qui visent à prendre pour domaine de valeurs de telles entités, dans notre explication ultime de ce à quoi ressemble réellement le monde11. Or une des premières choses sur lesquelles Hartry Field tient à être tout à fait clair est que, en dépit de tout ce qui a pu être dit sur ce point, l’utilité des entités mathématiques n’est pas semblable à celle des entités théoriques en général. Il résulte de cela qu’on ne pourrait pas se contenter, pour justifier l’acceptation des assertions d’existence concernant les entités mathématiques, de dire que celles-ci sont indispensables, au même titre que des entités théoriques de différentes espèces, pour la construction de la science. D’un point de vue proprement philosophique, cela ne serait pas suffisant, puisqu’un philosophe peut estimer que les entités mathématiques non seulement n’existent pas, mais ne pourraient pas exister. C’est un point qui a une certaine importance, puisque, comme on le verra, il y a des philosophes éminents comme Quine qui pensent que les raisons pour lesquelles nous sommes obligés en pratique d’inclure dans notre ontologie des entités comme les ensembles ne sont pas différentes, en fin de compte, de celles pour lesquelles nous pouvons être amenés accepter l’existence d’objets comme les gènes, les électrons, les neutrinos ou les quarks. Ce n’est évidemment pas du tout l’avis de Field. Et on est tenté de dire que c’est lui qui défend, sur ce point, une position proprement philosophique, en assumant ouvertement la conséquence qu’elle implique, à savoir l’obligation de reformuler toutes les propositions des sciences de façon à ce que plus aucun des termes faisant référence à des entités mathématiques n’y apparaisse 12 Ibid., p. 8. Je vais arguer que les entités mathématiques ne sont pas indispensables du point de vue théorique bien qu’elles jouent un rôle dans les théories puissantes de la physique moderne, nous pouvons donner des reformulations attrayantes des théories de ce genre dans lesquelles les entités mathématiques ne jouent aucun rôle. Si c’est exact, alors nous pouvons adhérer en toute sécurité à une conception fictionnaliste des mathématiques, car le fait d’adhérer à une conception de ce genre n’impliquera pas que nous nous privions d’une théorie qui explique les phénomènes et que nous puissions considérer comme littéralement vraie12. 9La question de savoir si des choses comme les nombres réels existent ou non est troublante parce qu’il ne s’agit apparemment pas de se décider, comme cela serait le cas dans les sciences, pour ou contre une hypothèse qui peut être vraie ou fausse, sans qu’il y ait des raisons déterminantes qui parlent en faveur de l’une ou l’autre de ces deux éventualités. Celui qui affirme qu’ils existent est prêt, semble-t-il, à affirmer également qu’ils ne pourraient pas ne pas exister ; et celui qui nie qu’ils existent à nier également qu’ils auraient pu exister. C’est ce qui amène Dummett à remarquer que 13 Dummett, Reply to McGuinness », op. cit., p. 350-351. L’existence est un concept qui suscite la perplexité quand il est prédiqué d’objets abstraits, car ils ne semblent pas être des créatures ; nous ne pouvons pas supposer que le fait qu’il y ait ou n’y ait pas de nombres réels dépende de la question de savoir si Dieu s’est soucié de les créer. Y a-t-il des cardinaux mesurables ? Si la question ne demande pas s’il y a une contradiction cachée dans le concept de nombre réel, que demande-t-elle ? Cela n’aurait assurément pas de sens de dire qu’il pourrait y avoir des nombres naturels, mais il n’y en a pas dans les faits ; mais cela n’implique pas que nous puissions interpréter la question Les cardinaux mesurables existent-ils ? » comme signifiant Pourrait-il y avoir des cardinaux mesurables ? ». La dépendance doit avoir lieu dans l’autre sens pour comprendre ce qu’on veut dire en disant que quelque chose pourrait être ainsi, nous devons déjà comprendre ce que c’est pour lui que d’être ainsi13. Autrement dit, quand nous nous demandons, à propos d’objets abstraits appartenant à une certaine catégorie, s’ils existent ou non, nous ne nous demandons pas simplement s’il est possible pour des objets de cette sorte d’exister et pas non plus s’ils se trouvent ou non exister dans les faits, un peu comme s’il s’agissait d’une question empirique ou quasi-empirique pour laquelle la réponse pourrait être aussi bien positive que négative. 10Pour en revenir à la question de savoir de quelle façon nous devons nous représenter la connaissance de Dieu, Dummett confirme qu’il a conservé une grande sympathie pour l’argument de saint Augustin en faveur de l’existence de Dieu comme étant lui-même la Vérité 14 Ibid., p. 353. S’il [l’argument de saint Augustin] va dans le bon sens, la relation de la connaissance de Dieu à ce qu’il connaît est tout à fait différente de celle de la connaissance des hommes à ce qu’ils connaissent il doit y avoir un sens assez fort auquel la vérité de ce que, quoi que ce puisse être, il connaît est constituée par la connaissance qu’il en a, plutôt qu’elle n’en est la source ; je n’entends pas par-là que la connaissance que Dieu a de ce qui arrive doit être conçue sur le modèle de notre connaissance en intention des choses que nous faisons ou allons faire14. Même à l’époque où je croyais en Dieu, je n’ai jamais été tout à fait certain, je l’avoue, de comprendre ce qu’on veut dire au juste quand on parle de Dieu comme étant lui-même la Vérité, ou d’une vérité qui est constituée de façon plus ou moins littérale par le fait que quelqu’un la connaît. Mais il est naturel de supposer que, si Dieu existe, il sait, en vertu des pouvoirs de connaissance illimités dont il dispose, s’il y a ou non des objets tels que les nombres réels ou les ensembles transfinis, sans que, comme le fait remarquer Dummett, cela doive être compris comme signifiant qu’il le sait parce qu’il sait s’il a ou non jugé bon de créer des objets de cette sorte. Et, dans ce cas, que l’on soit ou non prêt à admettre que la vérité sur ces questions est constituée par la connaissance qu’il a d’elle, il est clair que ces questions sont décidables, même si nous n’avons pas réussi jusqu’à présent et ne réussirons peut-être jamais à les décider. 11Dans le chapitre 15 de The Logical Basis of Metaphysics 1991, Dummett observe que, si le réalisme, c’est-à-dire l’acceptation du principe de bivalence pour toute proposition qui a un sens univoque, implique probablement comme une condition nécessaire le théisme, celui-ci n’est pas, en revanche, une condition suffisante pour le réalisme 15 Michael Dummett, The Logical Basis of Metaphysics, London, Duckworth, 1991, p. 351. C’est une illusion persistante de croire que, de la prémisse que Dieu sait tout, on peut déduire qu’il sait si une proposition donnée quelconque est vraie ou fausse – c’est-à-dire, que ou bien il sait qu’elle est vraie ou bien il sait qu’elle est fausse, et que son omniscience, par conséquent, implique que la proposition est soit vraie soit fausse. Au contraire, le fait qu’elle est soit vraie soit fausse est requis comme une prémisse supplémentaire pour déduire de son omniscience qu’il sait, au sens indiqué, si elle est vraie ou fausse15. La raison de cela n’est pas difficile à comprendre. L’omniscience divine implique que, pour toute proposition p, Dieu sait que p si p est vraie ; mais cela ne nous dit pas quelles sont les propositions qui sont vraies. Et cela ne constituerait pas non plus une réponse satisfaisante de dire que Dieu, qui est l’auteur de toutes choses, sait dans tous les cas si elles sont ou ne sont pas telles ou telles. Car il pourrait, après tout, avoir créé une réalité partiellement indéterminée, qui n’est pas capable de rendre vraie ou fausse n’importe quelle proposition. 12Un vérificationniste, remarque Dummett, sera amené à peu près inévitablement à soutenir que la réalité est jusqu’à un certain point indéterminée, car nous n’avons pas d’idée de la réalité en dehors de celle qui consiste à la concevoir comme étant ce qui rend vraies les pensées vraies que nous pouvons entretenir et les propositions vraies que nous pouvons énoncer. Par conséquent, si nos propositions et nos pensées ne sont pas toutes, de façon déterminée, vraies ou fausses, nous devrons admettre que la réalité elle-même est indéterminée elle comporte des trous, à peu près comme un roman en comporte, en ce sens qu’il y a des questions concernant les personnages auxquelles il ne donne pas de réponse et pour lesquelles il n’y a, par conséquent, pas de réponse. Dummett proteste contre la tentation de considérer cela comme une supposition qui est en contradiction avec l’existence de Dieu, et soutient qu’un théiste peut, lui aussi, trouver des raisons de mettre en doute le principe de bivalence 16 Ibid., p. 318-319. J’ai entendu soutenir que c’est une doctrine athée, pour la raison que Dieu, qui n’est pas sujet à nos limitations, doit savoir à propos de toute proposition si elle est vraie ou fausse, de sorte que notre incapacité de déterminer cela ne devrait pas conduire un théiste à mettre en doute la bivalence. Cet argument commet une pétition de principe en assumant que toute proposition est soit vraie soit fausse. Pour dire les choses de façon un peu irrévérencieuse, Dieu ne parle pas notre langage ; ses pensées ne sont pas nos pensées. Le recours à la connaissance de Dieu ne sert en aucune façon à expliquer en quoi consiste notre connaissance des conditions qui doivent être remplies pour que nos propositions soient vraies, s’il n’y a pas d’explication de cela sans le recours en question. Le recours est pertinent pour ce qui est de la distinction entre la réalité telle qu’elle nous apparaît et la réalité telle qu’elle est en elle-même. Nous aspirons à nous rapprocher le plus possible d’une appréhension de la façon dont elle se présente en elle-même, mais cette expression n’a pas de sens défendable dans un univers incréé ou s’autocréant. Tout comme il n’y a pas de faille entre la vérité d’une proposition et la connaissance que Dieu a du fait qu’elle est vraie, l’expression comment les choses sont en elles-mêmes » n’a, en fin de compte, pas de signification distincte de comment Dieu les appréhende comme étant ». Sauf dans cette interprétation, la prétention d’avoir décrit le monde comme il est en lui-même – une description qui assumera un caractère mathématique toujours plus purement formel, dans la mesure où elle est progressivement vidée des termes dont les significations dérivent de nos facultés d’observation – n’a aucun caractère intelligible. Mais il n’y a pas de raison pour laquelle Dieu, en créant l’univers, devrait avoir rempli tous les détails, avoir fourni des réponses à toutes les questions concevables, pas plus qu’un artiste humain – un peintre ou un romancier – n’est contraint de le faire. La conception d’un univers créé, mais partiellement indéterminé, est plus facile à comprendre que celle d’un univers incréé et partiellement indéterminé16. 13Un réaliste métaphysique qui est convaincu de l’existence de Dieu peut essayer de justifier son adhésion au principe de bivalence en invoquant le genre de réalité que Dieu a dû créer et en arguant que celle-ci n’a pu être qu’une réalité capable de rendre, de façon déterminée, vraie ou fausse n’importe quelle proposition que nous sommes capables de formuler. C’est de cette façon-là qu’un philosophe comme Leibniz se représente le monde que Dieu a créé. Mais Dummett, pour les raisons que nous venons de voir, laisse peu d’espoir au réaliste de réussir à justifier sa position de cette façon. Il faudrait, pour cela, en effet, qu’il dispose d’arguments qui lui permettent de légitimer, de façon indépendante, son acceptation du principe de bivalence. Car même Dieu ne peut connaître comme vraie une proposition que si elle est vraie. Même dans le cas des propositions mathématiques, qui constituent l’objet du débat entre les réalistes et les constructivistes, il ne faut pas s’imaginer que l’existence d’un sujet omniscient comme Dieu apporte nécessairement de l’eau au moulin du réalisme. Comme l’explique Dummett 17 Ibid., p. 350. Le constructiviste admet qu’il est déterminé, pour tout nombre naturel, s’il est premier ou composé ; il nie qu’il en résulte que la proposition selon laquelle il y a une infinité de nombres premiers jumeaux soit, de façon déterminée, vraie ou fausse. Le réaliste ne peut pas démontrer qu’elle en résulte en l’assumant simplement, même s’il fait un détour par la connaissance que Dieu a des vérités mathématiques. Il ne résulte pas plus que Dieu doit savoir s’il y a une infinité de nombres premiers jumeaux du fait qu’il connaît tout nombre premier qu’il ne résulte qu’un calculateur prodige peut dire s’il y a une infinité de nombres premiers jumeaux du fait qu’il est capable de dire instantanément de n’importe quel nombre, aussi grand soit-il, s’il est premier ou composé17. On pourrait exprimer cela en disant que, s’il est entendu que Dieu fait des mathématiques, il faut tout de même encore décider si cela signifie qu’il se comporte comme un calculateur prodige ou comme un authentique mathématicien. On peut légitimement soutenir que même Dieu ne peut pas comprendre l’usage du quantificateur universel en mathématiques d’une façon complètement différente de celle dont nous le faisons. Mais admettons même qu’il le fasse. De quel secours cela pourrait-il bien être pour nous ? Le réaliste cherche à nous attribuer une compréhension du quantificateur en question comme un opérateur qui produit un énoncé dont la valeur de vérité est déterminée conjointement par ses cas particuliers, indépendamment des moyens que nous avons de le reconnaître comme vrai ou faux. Quand le domaine est infini, la situation devient problématique l’antiréaliste nie que nous puissions comprendre l’énoncé de cette façon ; et si le réaliste invoque comme argument le fait que c’est de cette façon-là que Dieu le comprend, la réponse sera que, même si un ange nous informait que c’est effectivement de cette façon-là que Dieu le comprend, il n’en résulte sûrement pas que nous puissions le comprendre ainsi ni même, dans le pire des cas, le comprendre tout simplement. 14Comme le fait remarquer Dummett, l’antiréaliste pourrait même douter de ce qu’affirme l’ange et soutenir que, si un processus infini est un processus tel que cela n’a pas de sens de parler de lui comme ayant été effectué jusqu’au bout, cela n’a pas de sens non plus de parler de Dieu comme l’ayant effectué jusqu’au bout 18 Ibid., p. 350-351. Notre objection à l’imagination de l’arithméticien supra-humain était qu’il n’existe pas ; une objection plus forte est que, puisqu’il effectue jusqu’au bout des tâches infinies et utilise leur résultat pour évaluer des propositions quantifiées, il ne pourrait pas exister18. 15Si la question est posée dans les termes de la confrontation entre le réalisme et l’antiréalisme sémantiques, la réponse semble encore plus claire. La question n’est plus de savoir si nous avons des raisons suffisantes de croire à l’existence d’une réalité, créée ou incréée, qui est capable de rendre vraies ou fausses toutes les propositions que nous pourrions être amenés à formuler et qui nous autorise par conséquent à affirmer sans restriction le principe de bivalence. Elle est de savoir si nous avons réussi à donner à nos propositions une signification telle qu’elles sont pourvues de conditions de vérité comprises de la façon dont le réaliste propose de les comprendre. Et, pour décider cette question-là, le recours à Dieu ne peut évidemment nous être d’aucune aide 19 Ibid. Un recours à des êtres hypothétiques ne nous est d’aucun secours quand nous devons donner une explication de la signification que nous attachons aux phrases de notre langage19. Si on regarde les choses de cette façon, on ne sera pas vraiment tenté d’imputer à Dieu des questions qui sont censées constituer un équivalent plus ou moins plausible de celles que nous nous posons en philosophie. On se dira plutôt que les questions philosophiques sont essentiellement et même, d’une certaine façon, uniquement des questions que nous nous posons. On pourrait être tenté d’objecter que cela risque de les rendre en fin de compte moins philosophiques, au moins en ce sens qu’elles se trouvent affectées d’une certaine contingence et d’une certaine dépendance par rapport au langage dont nous nous sommes pourvus et à l’usage que nous faisons de celui-ci. Je crois, au contraire, que cela ne les rend pas moins, mais plutôt plus philosophiques. Il ne devrait pas être nécessaire de préciser que cela ne fait, en tout cas aucun doute pour Dummett. Quand les questions philosophiques sont reformulées dans les termes de la théorie de la signification, elles ne deviennent pas moins, mais au contraire plus conformes à l’idée que l’on se fait généralement de ce que doit être une question philosophique. Comme l’explique Dummettt 20 Ibid., p. 8. Aucune observation d’objets ou de processus physiques ordinaires ne nous dira s’ils existent indépendamment des observations que nous faisons d’eux. Un pot que l’on ne regarde pas bouillira, c’est entendu, comme s’il absorbait de la chaleur de façon aussi continue pendant qu’il n’est pas observé que pendant qu’il est observé. Mais c’était déjà une des données du problème. Aucune recherche mathématique ne peut déterminer si les énoncés mathématiques ont des valeurs de vérité même quand ils sont hors de portée des démonstrations ou des réfutations ; aucun psychologue ne peut déterminer si les états mentaux se produisent indépendamment de leurs manifestations. La thèse réaliste n’est pas un objet possible de découverte en même temps que les propositions qu’elle propose d’interpréter c’est une doctrine concernant le statut de ces propositions20. Et cette doctrine est, bien entendu, une doctrine éminemment philosophique.
avons nous le devoir de chercher la verite