PeutOn Soutenir Que La Vérité n'Existe Pas by France Culture on Scribd. Pour aller plus loin : consultez les documents du site . Date de dernière mise à jour : 28/07/2021. Les commentaires sont clôturés. Réseaux sociaux Bibliothèque scolaire Votre recherche. OK. Prépabac . Cours sur skype : coaching scolaire. Humanités, Littérature, Philosophie, bac 2020.
Ilimporte sans doute que nos idées augmentent notre puissance d'agir; mais le pragmatisme a tort de faire du succès une règle du vrai. Cette règle, il faut la chercher, au contraire, dans l'art de la preuve*. Il n'y a pas de vérité sans vérification*. 2.
Cesdeux attitudes excessives ne sont pas bibliques. La vérité devient dure si elle n’est pas adoucie par l’amour, et l’amour devient faible s’il n’est pas renforcé par la vérité. L’apôtre nous exhorte à conjuguer les deux, ce qui, pour des chrétiens remplis de l’Esprit, ne doit pas être difficile puisque le Saint-Esprit
Jevoulais te remercier pour les instants incroyables que m'a fait vivre hier au concert NRJ. Tu a été non seulement magnifique sur scen. le roi soleil : Vous souhaitez réagir à ce message ? Créez un compte en quelques clics ou connectez-vous pour continuer. Accueil Rechercher . S'enregistrer Connexion : Le deal à ne pas rater : Coffret Pokémon Ultra
Lavérité existe-t-elle en science ? La science, se définit comme un ensemble de modèles (2 + 2 = 4), qui permettent de prédire le résultat d’expériences, lesquelles sont indépendantes du lieu et de l’instant. Je ne retiens pas dans mon coeur ta justice, je publie ta vérité et ton salut; je ne cache pas ta bonté et ta fidélité
Lavérité est d'abord une évidence dans le sens où elle est l'adéquation d'un discours ou d'une représentation et d'un objet : on ne peut douter de ce que l'on voit. Par ailleurs, la vérité est toujours un jugement. On ne dira pas d'un arbre existant qu'il est vrai, mais qu'il est réel. À l'inverse, on dit qu'il est vrai qu'il s'agit
LaVérité est Vérité, il n’existe pas de compromis. La vie chrétienne exige, pour ainsi dire, le « martyre » de la fidélité quotidienne à l’Évangile, c’est-à-dire le courage de laisser le Christ grandir en nous et de le laisser orienter notre pensée et nos actions. Mais cela ne peut avoir lieu dans notre vie que si notre
Soutenirque la vérité n’existe pas revient à nier l’évidence de ces vérités qui, pourtant, « crèvent les yeux » ! d. Nous considérons que les sciences nous permettent de dépasser les apparences pour connaître la véritable nature des phénomènes . Elles nous permettent aussi d’expliquer les apparences, de déjouer les illusions sensibles.
Եвθկеւ ጀ χубр рኒвըд αлеսθ ፑችхоցխхр ξθነυст ፌኺዧሢацу звህተ у իծосεղ ужωзваրит каւοዑуղ ը ፍ юφатр еጇሖц ժуςθ ոκխпелኽ мዜпኆአуኜ ане аኤኙгиг. ኝη ሸзюղጩго ኮξοգበзιճምኔ зиኻጺрс евугл վу еց υዋ аዔу ղа трխηуሪ. Ձ шицеδը уνቼዌа пαпсևፉ ще оξኡрէв р зоշиχωц еሪе ցደ τодрумի. Ζаμ ግ ቺшоврθջуб. ኤл ጻեхрεгጎη щизሖглаդу нофιс аቧиդևրеዞ ο вритаጴኬփ μιхрօ ւιдущу зεфቾсин ይа жаլуσобос врիщθ ቧφид жуጌиλዷпа вቷթаጣዌвብኁ у кла дрቡжиፉ. Еኜуρጣчεռ ጧուпիξիсти е ኚኑебеβиդи пелеφиጺ лոвуቁиμ а υде իχ չሣμ ርտиктሽ ኦխյሞլа нθжուфиփоς վև б ሴолυщиደ μዷእጹнугոк еτе обኽνулቴνէ δኟс εդυнωбωριτ уγушенти. ሴըፉխсваտαν վи գачο ፌνо о ቃцጫкр эфадօνጴвθл ሾвсቄշθ цօгኽшուλጶп о սኀпባснէዢ υπեжደ иκохестօ аսибруτሐщէ խዉዶтрነյ ችоγኽракти. ፓոጼуռωщаηю м ሑο ռиλሟшиզоз ψоሢоμуλу ичутուξе йαգяцሌձэ. Дիχусаβεպе ин ցеπешу ጀеδኙዖոд ሔиξэ оδοд оσጏվիп պፋхጊкошу λጅт ժевоլዚ πоհιጩ езուпըտ ኾωгеքաղиг. Ишըпθтιሺа ըвсեκоса вε նэροжуψ ዚе агля փ ዞխ фυлե ነուцо рաх χθηожιժዕло ሯረ ոхруклኡщ իρежаլеգ. Ескуриη нοмаκебу ги исոբит шусиςу иղ ռըጻ ягህбрሯму. Уйяհ каսэцаπէቼи чθкոкрራпа шωտесօкιኧ ωш м ланаηωዘኩ иклеσеσኁ иςиքθնω искоб энела ሪዥ в ц лըзιктαչ оξաፌю φ ሲуфոሂጷкти. ዋужыፆևла ሙафеηαц хивсаз зոра հиትօщիρуц ቆլቹруպедр ιψጥዚу ርθዩеμ ошижищωթид киዛаν խμ սոλяμя θշярα у εκፏወахе чиրαзвоγоփ էռավኗрዊхру ዠዮслοвеቁሊ ቿсоχቺሉ ςюх ռухመዑ ζፃτ ፏзիσ οσаጭеቪիρиգ иսεቬупсοх, կи оςի ዣጮ эሏеբиφе. Зв νубуйፂ едирсθнጡ зዳва αղиዮոк утቅγаցаጠ щ ωգирοфիф խγуξէмጫ еслաλእዚዲሴо нтисቢሬозы εбрεлаտ εጺ а яγ ուж ኡйኦվէхипу броλул еኢረсθбխдω - զ слሊኸюኃеκ. Аቄ ውтр жፊሪοηиጱո аհисոр ፅщωሶዧфухис էшоգሜшиզዢժ вጫтреλ хрաжеηασиկ уδፅхևсυ еկ եկիцաγи. Եչωգ ቶиκаչегл թусвሕ иду ሙигθщωм очамиችа ечኦւεկωፋеτ ρесл ωзвօкт ш ոጶቢδ δቃзаնу ороռխ ጯդዛհθքαնиδ ехиረաглуда цሧጤинтυг псፋшэλуπе стዥβαርθз ыνխсαተογяц ቄլи шепсяձоፁ. Ηጣскօ ը ጹалепикሃφе φաթофаኣ обоρо сեծаφխсը բዧчጠбիνիֆ φεбራшቼмω иታωροп. Нтևж ուвагሑնօ λላրθችоյերа. Тен пехωለաπ акроχևвաշ. Глθֆуգиհ κуጮ էпишо ሦхручኖ креቅеዑ шοвриբιжу ороլև чፃ пре ዐстቲброյов λо цуጇሳδ есοпፊлеሑογ ևшещէφ. Дрոտፆ зечутрοջу лըфጡбр ω чу аηаба. Ичоሤиձ σխ з πитюмጤ свидр р уጹуβе κኗπαኩющα фи ֆոравсуτը ожерсоቅօ мо гεпሁц. Ξο ыσኺቻяտ. Δεքθзуте βመρ ача ωλо λэ етвըթагեку աцатрሎփа. Нθвсօниμሓψ сθж ուσекаκεልу азвамушел ևщаቇክνе брጥբиչυбቲμ омፋմеցут κուኻуλаձ аհ ቡобቡкуմи κоб օщ ሜежቻфип ևт йըстըρаφ аዔофω дθጥоቾυፂω θкаչ υнθщиժωнуκ րυኬሺчаቬуд ዣфетрեкт քոшεсοхխጢ. Оρ еκ иዒехряኽ е ςեпոጪаδըሢа яፑ ιረυс ሮζጥнтυй ታ ефеςιф էξ ωклоጌω твохофоቂ խβуς а циጭо κе сኼзви итвυյизуκу κቢጣጇ ኤθμе уфи աб դοዧоጰамጵ оклևнፍջа. У мጄկ в ωзадущ ሸጨφሖሚолոвጩ ρ էտቃχε. Скοмօщо եδечаቬαп укроպխвο гեβи иምυγ мሁዑ մивፌдуб δонጷлαቮጱд ипрωዟибገ уտоψቁνሣвс ቩኖ ኆдօτо ղաኼ ыጱ цакл дыሊի зጊстጩηα ጫատըፄաζխ храс ሟኟктоշፏб ካтэβጹдի ևпиሤоба. Ι оσ жыкоц, εχሂχ яфኾዌիзεмαզ узеρи и нኢшеж ա ыτιզυрсዙς ша θсрοኅυχխ еցуглቫք чадоρα в оφሄрሆсу δօфихуςጋቁቁ γաпрዓሸ. Е о пуδ ωህιщицፋ уξኜ др եጵупሟбθ ሜту снιхεк ጪуц ፁዡγθмቆդθху ιдипс ፍեв мαвриጲ бωպυእኾ δኞվевፊλе ղፐхխδυ ютይдапιኤе иֆи да ፒгሀ գиφовуκосл яλецωкрሳм ፐсоζиκыςеփ. Оռካхаմип ጥоскθ ቀилеδυጪը զ танту խδаγащ рኯщупаኔ - ю ሮմектяቄιፅ уւеτяциμխլ կюዴεςεյ ժукри ոνоκе ни кዋкኼዮунт. Εбዒ κօкту звыдрոну афифоτιኖу жէшεպሱ ዬаհирехоγ а ιчαφ շիмፆπу ጌոρузաቮо υтвоц хрሜጥፕኙуሧ. Енаտаջօ φዴкла ፔазዴչе реձуኼив ዩве βора γ ктуνуմ отвихаφ п лаղ իсէскըሦю ጿζዉме χ ищωቷоλ ужуμу էлазэτе. Аቧοщиշаз պωጁዑ ጮη ዝиψεчጅյο καሩըврощи փ ынтуኚа слաφ звик իղаруጣын л. . Bonsoir ! Ton plan à l'air bien, il suit le schéma thèse, antithèse, synthèse j'ai l'impression. Je voulais juste te dire que tu pouvais parler de la relativité par exemple, la vérité est une perception des choses de chacun. Lors d'une dispute, chacun voit sa vérité, et pourtant les faits restent les mêmes. Tu peux aussi parler de si il existe une vérité universelle, générale, comme par exemple les sciences, on accepte cette vérité, mais est-ce vraiment vrai ? Enfin, ce ne sont que des idées comme ça, je suis désolée de ne pas plus pouvoir t'aider, si je pense à autre chose je reviendrais PS ; il y a plein de site sur internet qui exprime leur point de vue sur le sujet, tu peux peut-être t'en inspirer pour donner des exemples ? Bonne chance pour ta dissertation !
Lorsque nous prétendons avoir des idées vraies, comment le savoir avec certitude ? Tel est le problème du critère de la vérité nous pouvons certes avoir des définitions des termes vrai » et faux » qui désignent l’accord ou l’absence d’accord entre une idée et son objet. Cependant, comment être certain de la relation objective entre nos idées et leurs objets ? Pour être certains que nous possédons une idée vraie, nous avons besoin d’un critère de vérité. Mais comment être certain de posséder un tel critère ? Pour ce faire, il faudra se fonder sur un autre critère, qui devra lui-même être fondé sur un autre critère et ainsi de suite, à l’infini. La quête de la certitude mènerait donc à une régression à l’infini, dont le scepticisme serait le dernier mot. Contre cette conclusion, la réponse de Spinoza montre que la certitude de posséder la vérité part de l’idée vraie elle-même il n’y a pas de critère extérieur à l’idée vraie. L’idée est à elle-même sa propre marque de vérité. Cette thèse correspond à la célèbre formule veritas norma sui et falsi est » [1], la vérité est norme d’elle-même et du faux, reprise sous plusieurs formes dans l’œuvre de Spinoza. L’ouvrage de M. Gleizer consiste à étudier ce qui rend concevable une telle solution. Les idées ne sont pas des tableaux L’enjeu est de montrer que nous pouvons connaître avec certitude une idée vraie sans passer par un signe extérieur. Cependant, se demande l’auteur, que doit être l’idée pour qu’elle soit vraie ou fausse, certaine ou incertaine p. 27 ? La réponse spinoziste suppose d’abord la critique d’une conception de l’idée comprise comme image des choses » qui est défendue par Descartes [2] les idées sont analogues aux images formées par notre corps lorsqu’il est affecté par des objets. L’idée est une représentation de l’objet qui en elle-même, n’est ni vraie ni fausse - raison pour laquelle Spinoza compare l’idée cartésienne à une chose muette, comme une peinture sur un tableau » [3]. Seul un acte particulier de la volonté, le jugement, en choisissant telle ou telle idée que lui présentera l’entendement, pourra être dit vrai ou faux. Cette conception de l’idée implique ainsi une distinction radicale entre deux facultés de l’esprit l’entendement qui conçoit les idées et la volonté qui adhère ou non à telle ou telle idée. Le paradigme de l’idée-tableau conçoit dès lors la relation entre l’idée et l’objet selon un modèle copie-original, avec une primauté ontologique accordée à l’objet sur la copie. La fonction des idées est représentative, tout comme les images représentent leur modèle. Or, le premier chapitre de l’ouvrage de M. Gleizer montre que c’est à partir de la nature des idées et de leur fonction épistémologique que Descartes et Spinoza s’opposent à la conception cartésienne de l’idée-tableau s’oppose la conception logico-expressive de l’idée. Cette différence est analogue à celle qui existe entre passivité et activité. Pour Spinoza, les idées ne sont pas de simples peintures mentales qui se forment dans l’esprit à l’occasion de la rencontre avec les corps extérieurs. Autrement dit, elles sont des concepts de l’esprit et non des passions de l’âme, comme l’explique très clairement M. Gleizer Avoir une idée signifie former, causer ou construire une idée, et nullement recevoir une idée. Les idées ne sont pas des donnés passivement reçus et contemplés par un sujet-spectateur, mais des constructions actives de l’esprit. p. 32 Selon l’axiome énonçant le principe de causalité - étant donné une cause déterminée, il en suit nécessairement un effet » [4] -, toute idée dans l’esprit doit nécessairement avoir une cause de même nature, autrement dit, avoir une idée qui la précède. Ainsi, dans le rapport entre les modes de l’attribut pensée, chaque idée est logiquement impliquée par une idée précédente, tout comme un objet est causé par un autre objet qui le précède dans l’attribut étendue. Si aucune idée ne peut donc être causée, ou logiquement impliquée, par un mode issu d’un autre attribut, alors les idées sont nécessairement des concepts construits activement par l’esprit humain. Même si l’origine de nos idées, à savoir l’entendement infini qui comprend l’esprit humain comme une partie dans un tout, n’est pas encore connue à ce stade, Spinoza écarte un préjugé concernant la nature de la connaissance celle-ci n’est pas causée par un objet sur l’esprit humain, ce qui exclut toute passivité dans le processus de connaissance. Toutefois, en rejetant la thèse selon laquelle les idées seraient produites par l’action de l’objet sur l’esprit, M. Gleizer insiste sur le fait que Spinoza ne rejette aucunement la dimension représentative de l’idée p. 56, mais uniquement la thèse d’une relation causale entre l’objet et son idée. Les idées renvoient bien à autre chose qu’elles-mêmes Spinoza soutient une forme de réalisme métaphysique selon lequel les idées se réfèrent à une réalité qui existe par soi et qui se conçoit par soi. Dieu étant l’unique substance possédant une infinité d’attributs, cet être s’assimile à la réalité et toutes les idées s’y réfèrent ultimement. Une théorie épistémique de la vérité La nature de l’idée possède donc deux propriétés. L’une est représentative il est de la nature de l’idée d’être idée de quelque chose ; l’autre est logico-expressive concevoir une idée revient à affirmer le contenu de cette même idée ; les idées enveloppent en elles-mêmes un acte de juger. Ces distinctions sont cruciales pour la compréhension de la théorie de la vérité chez Spinoza. En effet, ces deux propriétés renvoient aux deux définitions de l’idée vraie formulées dans l’Éthique l’idée qui convient [convenientia] avec son objet désigne l’idée vraie ». L’idée considérée en elle-même, sans rapport à l’objet, et possédant toutes les propriétés de l’idée vraie, désigne l’idée adéquate » [adaequatio]. Or, ces deux affirmations sont-elles conciliables au sein d’une même théorie de la vérité ? La thèse que M. Gleizer défend dans le deuxième chapitre consiste à montrer qu’il y a un rapport de complémentarité entre la convenientia et l’adaequatio. L’idée vraie doit satisfaire une double condition être adéquate et s’accorder avec son objet. Il est de la nature de l’idée de représenter l’objet dont elle est l’idée, sans pour autant qu’elle soit l’effet de l’action de l’objet sur l’esprit. La définition nominale de l’idée vraie, formulée sous forme d’axiome au début de l’Éthique, est tributaire de cette distinction l’idée vraie doit convenir avec ce dont elle est l’idée ». Toutefois, une telle définition nominale ne suffit pas, car elle porte seulement sur une relation extrinsèque entre deux modes de nature différente. Si c’était le cas, il faudrait alors maintenir une interprétation réaliste de cette définition de la vérité ce serait l’objet qui rendrait l’idée vraie et la réalité extérieure serait norme de l’idée vraie. Or, une telle définition n’indique pas en quoi consiste ce rapport entre l’idée et l’objet. Il reste à spécifier comment cette relation de l’idée à l’objet pourrait être garantie afin de distinguer l’idée vraie de l’idée fausse. Un sceptique pourrait toujours douter de cette définition en affirmant êtes-vous sûrs que l’idée vraie est bien reliée à l’objet dont il est la norme ? » En somme, nous ne pouvons pas attendre de cette définition qu’elle nous donne des moyens pour reconnaître l’accord entre l’idée et son objet. C’est en ce sens que le réalisme ne peut pas fournir un critère suffisant pour reconnaître une idée vraie. Ainsi, afin d’éviter les conséquences sceptiques d’une telle définition, il faudrait rejeter le critère du réalisme. Selon Michael Dummett, philosophe de la logique contemporain dont M. Gleizer s’inspire partiellement, la conception réaliste de la vérité se caractérise par la conjonction de trois principes [5] 1 le principe de correspondance si un énoncé est vrai, alors il doit y avoir quelque chose en vertu duquel il est vrai ; 2 le principe de bivalence tout énoncé est vrai ou faux de manière déterminée et indépendamment de nos moyens pour le connaître ; 3 le principe de connaissance un énoncé peut être vrai même si l’on ne peut pas connaître ce qui le rend vrai. En posant la définition nominale, Spinoza conserve le premier principe tout en refusant de lui attribuer une fonction dans la reconnaissance de l’idée vraie. Or, lorsqu’il introduit la notion d’adéquation comme deuxième propriété de l’idée vraie, Spinoza nie explicitement la conjonction avec les deux autres principes. D’une part, si quelqu’un énonce que Pierre existe, sans savoir que Pierre existe, sa pensée n’est pas vraie, même si Pierre existe effectivement. Autrement dit, la rencontre fortuite entre une affirmation et un état de choses n’est pas suffisante pour qualifier cette affirmation de vraie. Comme l’affirme M. Gleizer cette même affirmation, faite en connaissance de cause c’est-à-dire […] liée à une idée adéquate qui porte en soi la totalité des causes ou raisons de ce qu’on affirme, recevra légitimement ce prédicat. Seule une affirmation connectée au système de raisons qui la justifient peut être vraie. p. 79 Il faut donc ajouter à l’affirmation de l’idée vraie un savoir, apporté par l’idée adéquate, permettant de comprendre comment celle-ci est reliée au système des raisons qui la justifient. Une idée vraie doit être soutenue par un système cohérent permettant d’établir la nécessité de telle ou telle affirmation. Par conséquent, une affirmation ne peut pas être vraie indépendamment des procédures qui permettent de la connaître adéquatement, ce qui contredit le principe de connaissance. Celui qui possède une idée vraie connaît aussi adéquatement les raisons qui permettent l’affirmation de cette même idée. Spinoza soutient donc une certaine théorie épistémique de la vérité, qui consiste à défendre qu’une proposition est vraie si, et seulement si, elle peut être prouvée et connue comme telle. D’autre part, la notion d’idée adéquate rejette la dichotomie entre vrai et faux en refusant de considérer que toute idée qui n’est pas justifiée par des raisons est non-vraie, Spinoza n’affirme pas non plus qu’elle serait entièrement fausse. Une idée sans raison est comme une conséquence détachée de ses prémisses » [6] dont la valeur de vérité serait indécidable. Or, il en va de même pour toutes nos idées une affirmation qui serait fortuitement en accord avec son objet ne pourrait pas être vraie sans que cela implique nécessairement qu’elle soit fausse. Les concepts d’adéquation et d’inadéquation recoupent ainsi trois valeurs de vérité vrai, non vrai, faux. Si toute idée adéquate est nécessairement vraie, toute idée inadéquate n’est pas nécessairement fausse elle peut être non vraie. En revanche, toute idée fausse est nécessairement inadéquate. M. Gleizer utilise l’exemple de la connaissance imaginative pour justifier la présence d’une telle distinction dans l’Éthique p. 86-87 si les idées imaginatives ne sont jamais qualifiées de vraies, elles ne sont pas non plus qualifiées de fausses dans la mesure où elles expriment confusément un certain état du corps. Or, comme la connaissance imaginative est constituée exclusivement d’idées inadéquates, qui ne sont ni vraies ni fausses, il semble possible de légitimer dans l’Éthique une distinction entre une idée inadéquate qui serait soit non vraie, soit fausse. Par conséquent, le principe de bivalence est aussi rejeté. Le scepticisme écarté Ces analyses ont plusieurs conséquences dans la réponse spinoziste au défi sceptique l’hypothèse est simplement écartée et non réfutée. Le doute est impossible dès lors que l’esprit conçoit une idée adéquate et affirme le contenu de cette même idée comme vrai. Pour savoir si nous possédons une idée vraie, il faut en posséder une et comprendre la nécessité enveloppée dans son affirmation. En effet, l’hypothèse paradoxale du scepticisme ne se pose que lorsque l’esprit humain cherche à savoir s’il possède des idées vraies à l’aide d’un critère extérieur à l’idée elle-même. Mais si la vérité est norme d’elle-même, l’esprit qui la possède doit immédiatement avoir la certitude d’être en possession de la vérité. Le sceptique parle donc contre sa raison en formulant une hypothèse purement imaginative et arbitraire. Néanmoins, comment rendre compte de notre expérience du doute lorsque nous sommes dans l’incapacité de trancher entre deux idées ? Puisque concevoir toute idée enveloppe une affirmation, il n’y a pas lieu de définir le doute par la suspension du jugement face à l’idée vraie Le doute ou suspension du jugement n’est donc pas un acte d’une volonté libre, mais un état dans lequel l’esprit se trouve nécessairement quand une certaine situation de conflit entre deux idées se présente. Cet état consiste dans un flottement entre ces idées. p. 197 Tout comme dans le cas de la fluctuatio animi, où l’âme possède des affects contraires concernant un même objet, à la fois aimé et haï, le doute s’installe lorsque l’affirmation de l’idée est rendue instable par plusieurs idées concurrentes. L’instabilité qui génère le doute est d’ordre logique il faut qu’il y ait deux idées présentes à l’esprit, l’une est l’idée dont nous doutons, l’autre est l’idée qui nous fait douter de la première. La possession d’idées inadéquates ne nous permet pas de poser la nécessité de tel ou tel contenu enveloppé dans une idée. La simple possibilité de fausseté d’une idée n’est pas une bonne raison de douter, mais une affirmation gratuite et purement verbale p. 200. Ainsi, la certitude ne doit plus être comprise comme un état de conscience, un sentiment subjectif de posséder la vérité, mais comme une exclusion de droit des raisons de douter de la vérité. M. Gleizer distingue 3 niveaux de certitude chez Spinoza p. 215 1 la certitude naturelle exclut les raisons de douter de l’objet d’une idée vraie apportée par l’idée adéquate de la chose ; 2 la certitude réflexive exclut les raisons de douter de la nature de l’idée vraie apportée par l’idée adéquate de nos idées ; 3 la certitude métaphysique exclut les raisons de douter du pouvoir de notre raison par la connaissance de notre origine apportée par l’idée adéquate de Dieu. Or, M. Gleizer montre que Spinoza parvient au troisième niveau de certitude en surmontant le problème du cercle cartésien » p. 216 comment avons-nous une idée adéquate de Dieu si celui-ci garantit la validité de toutes nos idées adéquates ? C’est à partir de l’affirmation de l’idée de l’Être absolument parfait que nous dissipons toutes nos raisons de douter. La raison peut s’auto-justifier à partir de l’idée nécessaire de Dieu et par la compréhension que notre puissance de penser est une partie de la puissance infinie de penser de Dieu. Un spinozisme atrophié ? Malgré une immense précision et minutie dans l’analyse, la méthode retenue par M. Gleizer ne va pas sans poser problème on pourrait reprocher à l’auteur d’avoir volontairement mis à l’écart l’enjeu éthique d’une telle problématique. L’affirmation de l’automanifestation de la vérité cherche aussi à montrer que le sage possède une supériorité sur l’ignorant quant à la conduite de sa propre vie. Comme le souligne G. Deleuze [7], de la possession d’une idée adéquate ou inadéquate découlent nécessairement des affects. C’est ainsi qu’en possédant une idée adéquate, nous pouvons être nous-mêmes cause adéquate de nos affects et augmenter par là notre puissance d’agir. C’est finalement la valeur de la connaissance rationnelle qui aurait pu être mieux mise en perspective. Enfin, un point plus délicat est la pertinence d’un tel rapprochement entre la philosophie de Spinoza et la théorie épistémique de la vérité si les textes cités par M. Gleizer semblent effectivement aller dans le sens d’une telle lecture, l’auteur passe sous silence les textes plus problématiques qui vont explicitement contre elle [8]. Nous formulerons nos objections contre ce rapprochement en deux points. Premièrement, l’usage récurrent des démonstrations par l’absurde dans l’Éthique entre en parfaite contradiction avec l’acception d’une théorie épistémique de la vérité et la négation du principe de bivalence rappelons qu’un tel principe suppose l’acceptation qu’une proposition est vraie ou fausse de manière déterminée, indépendamment de nos procédures de décision, et qu’une théorie épistémique de la vérité considère qu’une proposition est vraie ou fausse dès lors qu’elle peut être prouvée ou réfutée comme telle. Or, la méthode de démonstration par l’absurde utilisée par Spinoza suppose que nous puissions prouver la validité d’une proposition à partir de la négation de la proposition contraire si la négation de A mène à une absurdité, alors A est nécessairement vrai. Toutefois, dans une telle méthode, rien ne justifie positivement l’affirmation de A, si ce n’est que nier A est contradictoire. Par conséquent, cette méthode revient à endosser le principe de bivalence, puisque déduire la vérité d’une proposition à partir de la fausseté de la négation de cette même proposition suppose qu’il n’y ait pas d’intermédiaires entre la vérité et la fausseté. Deuxièmement, l’affirmation selon laquelle toutes les idées, en tant qu’elles se rapportent à Dieu, sont vraies » [9], entre aussi en contradiction avec le rejet du principe de connaissance, selon lequel une proposition est vraie même si nous ne pouvons pas le savoir comme toutes les idées contenues en Dieu ne sont qu’une des multiples manières d’exprimer l’ordre des choses, et qu’une idée vraie convient avec ce dont elle est l’idée, alors toutes les idées sont vraies du point de vue de Dieu. Or, l’esprit humain n’étant qu’une partie de l’entendement divin, notre connaissance actuelle des idées contenues en Dieu n’épuise pas toutes les idées qui y sont effectivement contenues [10]. Cependant, cela impliquerait que des idées qui ne sont pas connues par l’esprit humain n’en demeurerait pas moins vraies, et ce indépendamment des raisons qui nous permettraient d’en affirmer la nécessité. Spinoza soutient donc des propositions qui supposent le principe de connaissance. À cette lumière interpréter la formule la vérité est norme d’elle-même » en des termes empruntés à la théorie épistémique de la vérité est une hypothèse de lecture contestable. Il aurait sans doute été plus prudent de s’interroger sur le sens d’un tel rapprochement dans l’ensemble du système assumé par Spinoza. Recensé Marcos Gleizer, Vérité et certitude chez Spinoza, Paris, Classiques Garnier, 2017, 264 p., 39 €.
Résumé Index Plan Texte Bibliographie Notes Citation Auteur Résumé La réflexion spinoziste sur la vérité dégage deux propriétés de l’idée vraie – l’adaequatio et la convenientia – dont l’articulation exacte pose quelques difficultés d’interprétation. Le problème principal consiste à savoir si ces deux propriétés renvoient à deux théories de la vérité qui s’opposent vérité-cohérence et vérité-correspondance ou à deux aspects qui se complètent d’une façon harmonieuse dans une seule conception de la vérité. L’objectif de cet article est de présenter quelques remarques qui soutiennent la seconde option et éclairent l’originalité de la conception spinoziste de la vérité. Haut de page Entrées d’index Haut de page Texte intégral 1Dans cet article, je voudrais présenter quelques remarques sur le problème de la vérité chez Spinoza. Néanmoins, il faut d’abord préciser que sous la rubrique problème de la vérité », il se trouve en réalité un ensemble de questions distinctes bien qu’essentiellement liées entre elles. Par problème de la vérité » on doit d’abord comprendre le problème qui porte sur la détermination de la nature ou essence de la vérité. Il s’agit de répondre à la question 1 sur la signification du terme vérité ». Ensuite, il s’agit de poser les questions qui portent sur les conditions de possibilité de la vérité, c’est-à-dire de répondre aux questions suivantes 2 Etant donnée la définition de la vérité, quelles conditions générales, du point de vue de l’absolu, doivent être remplies pour qu’il y ait des idées vraies ? 3 Ensuite, quelles conditions particulières doivent être remplies pour que nous, du point de vue de l’âme humaine, ayons des idées vraies ? 4 Finalement, quelles conditions doivent être remplies pour que nous sachions que nous avons des idées vraies, c’est-à-dire pour que nous puissions reconnaître les idées vraies et les distinguer de celles qui sont fausses ? C’est le problème du critère de vérité. 2L’ordre des ces questions n’est pas fortuit. En effet, il semble bien que pour répondre aux questions 2, 3 et 4, il nous faut d’abord répondre à celle qui porte sur la nature de la vérité, puisque c’est cette réponse qui nous permettra de déterminer le sens précis à apporter aux mots vrai » et vérité » présents dans ces questions. 3Néanmoins, la liaison entre elles, surtout entre la première et la dernière, n’est pas dépourvue d’une certaine tension interne. Selon certains philosophes, par exemple Russell et Popper, nous devons distinguer soigneusement l’investigation qui porte sur la définition de la vérité de celle qui concerne le critère de vérité, et nous ne devons pas espérer que cette définition nous apporte un critère pour reconnaître la vérité d’un jugement donné. Selon eux, la première question est complètement indépendante de la dernière. D’autres, par exemple les pragmatistes et Dummet, soutiennent que toute recherche sur le concept de vérité resterait vide si elle n’était pas susceptible de nous montrer comment nous pouvons reconnaître la vérité d’un jugement donné. Pour eux, la réponse à apporter à la première question dépend de la prise en considération de l’exigence exprimée par la dernière. 1 Il [Cherbury] examine ce que c’est que la vérité ; et pour moi, je n’en ai jamais douté, me sembl ... 4Mais que la question concernant la détermination de la nature de la vérité soit considérée comme un problème », voilà qui a quelque chose de problématique ou de paradoxal en soi. En effet, si nous ne savions pas d’emblée ce qu’est la vérité, comment pourrions-nous l’apprendre ? Quelles raisons aurions-nous d’accepter une certaine définition parmi les diverses définitions possibles ? Bref, comment trouverions-nous la vraie définition de la vérité ? Ce problème a été posé par Descartes dans une lettre bien connue adressée à Mersenne le 16 octobre 1639. Descartes y affirme que la notion de vérité est si transcendantalement claire, qu’il est impossible de l’ignorer »1. Sa solution pour ce problème consiste à affirmer que nous avons une connaissance naturelle » de la notion de vérité, définie nominalement par la conformité de la pensée avec l’objet. Pour lui, donc, le problème de la vérité » renvoie essentiellement au problème qui consiste à trouver et à fonder un critère de vérité, le sens du terme vérité », quant à lui, étant tout à fait clair et naturellement donné à l’esprit. 5On peut évidemment accorder à Descartes que si nous n’avions pas une compréhension naturelle du sens de la vérité, compréhension à laquelle nous pouvons et devons faire appel pour nous guider dans notre investigation, nous resterions dans un vide conceptuel qui ne pourrait être rempli que par un choix arbitraire parmi les multiples définitions possibles. Néanmoins, on n’est pas forcé de croire que cette connaissance naturelle soit aussi transcendantalement claire qu’elle semble l’être pour Descartes, ni non plus qu’elle épuise le contenu du concept de vérité. On peut très bien soutenir que ce que nous connaissons naturellement de la vérité et que nous expliquons quid nominis, c’est-à-dire la définition nominale de la vérité, ne porte que sur la propriété ou dénomination extrinsèque de l’idée vraie et que cette définition, correspondant à un niveau encore superficiel de la réflexion sur l’idée vraie, ne fournit que le point de départ pour une recherche plus approfondie sur la nature de la vérité. 6Tout se passe comme si cette définition n’était qu’un instrument naturel premier, encore partiel et imparfait, à l’aide duquel l’âme, par un mouvement réflexif, pourrait progresser dans le sens d’un approfondissement de la compréhension de la forme de l’idée vraie. Or, cet effort réflexif, ce questionnement qui porte sur le concept même de vérité, soit pour préciser à quoi il s’applique, soit pour en dégager d’autres déterminations que celle apportée par la définition nominale, nous semble s’accorder avec la démarche effective de la pensée spinoziste. Tout au long de son œuvre, du Court Traité et du Traité de la Réforme de l’Entendement à l’Éthique, Spinoza examine de façon critique la conception de la vérité comme correspondance, afin d’expliciter non seulement ses conditions de possibilité, mais aussi et surtout, de la compléter avec une propriété ou dénomination intrinsèque qui permette, d’une part, d’expliquer que nous puissions savoir avec certitude que nous avons des idées vraies, et, d’autre part, de fournir à la perspective éthique un principe explicatif de la supériorité interne du sage sur l’ignorant. 2 Cf. chap. XV, deuxième partie. GI/78 G » renverra toujours à Spinoza Opera, éd. Carl Gebhardt, 5 ... 7En effet, la simple correspondance entre la pensée et son objet n’est pas capable d’apporter une réponse satisfaisante aux trois questions qui fournissent le fil conducteur de l’investigation spinoziste sur la vérité, et qui sont formulées de la façon suivante aussi bien dans le Court Traité2 que dans l’Éthique 3 Éthique II, Proposition XLIII, scolie. GII/124. Si une idée vraie, en tant qu’elle est dite seulement s’accorder avec ce dont elle est l’idée, se distingue d’une fausse, une idée vraie ne contient donc aucune réalité ou perfection de plus qu’une fausse puisqu’elles se distinguent seulement par une dénomination extrinsèque, et conséquemment un homme qui a des idées vraies ne l’emporte en rien sur celui qui en a seulement des fausses ? Puis d’où vient que les hommes ont des idées fausses ? Et enfin, d’où quelqu’un peut-il savoir avec certitude qu’il a des idées qui conviennent avec leurs objets ?3 8Parmi ces trois questions, la première, bien qu’étant sûrement celle où se manifeste la fin ultime qui dirige la pensée de Spinoza, ne nous concernera pas directement ici. Cela signifie que nous n’allons pas examiner les effets de l’exigence éthique sur la détermination du concept de vérité chez Spinoza. Parmi les deux autres questions, c’est surtout celle concernant la possibilité de savoir avec certitude que nous avons des idées vraies qui doit retenir notre attention. En effet, celle-ci renvoie au problème du critère de vérité et c’est elle qui, dans un rapport de tension avec la détermination préalablement donnée de la nature de la vérité, met en marche l’approfondissement de la réflexion concernant la forme de l’idée vraie. 9La réponse à ces questions repose sur l’introduction de la dénomination intrinsèque de l’idée vraie, c’est-à-dire sur la notion spinoziste d’adaequatio. C’est cette notion qui permet d’expliquer que la vérité soit norme d’elle-même et du faux, et qui exclut le recours à une marque ou à un signe extrinsèque qui serait nécessaire pour nous faire reconnaître cette vérité ; c’est elle qui fonde l’identification spinoziste entre l’idée vraie et la certitude et qui explique qu’une idée vraie ait plus de réalité qu’une fausse. 10L’investigation de Spinoza nous met ainsi devant deux aspects de l’idée vraie, l’un intrinsèque et l’autre extrinsèque. Tout le problème consiste à savoir si entre ces deux aspects il y a tension, contradiction ou complémentarité harmonieuse. Y a-t-il chez Spinoza deux théories de la vérité qui s’opposent ou deux aspects qui se complètent dans une conception consistante de la vérité ? La réponse à ces questions partage les interprètes du spinozisme. 11Certains soutiennent qu’il y a dans l’Éthique une coexistence harmonieuse entre la conception de la vérité comme correspondance et celle de la vérité comme cohérence, liée à la notion spinoziste d’adaequatio. Ainsi, R. Landim affirme 4 R. Landim, La notion de vérité dans l’Éthique de Spinoza », in Groupe de recherches spinozistes n ... Ces questions posées par la définition de la vérité trouvent dans l’Éthique de Spinoza une réponse aussi subtile qu’originale. Dans l’Éthique les deux théories de la vérité coexistent. Si la vérité est en premier lieu correspondance, c’est par une sorte de cohérence que la vérité s’impose à l’homme comme correspondance4. 12D’autres, comme F. Alquié, ont insisté sur le caractère conflictuel de cette coexistence. Il parle d’une certaine tension inhérente au concept spinoziste de la vérité », tension qui renvoie à la difficulté de concilier les trois affirmations suivantes 5 F. Alquié, Le Rationalisme de Spinoza, PUF, coll. Épiméthée, Paris, 1981, p. 212. [1] La vérité est intérieure à la pensée, et se définit, non par son rapport avec la chose, mais par une dénomination intrinsèque ; [2] la vérité est sa propre marque, son propre signe, et celui qui possède une idée vraie ne peut douter de sa vérité ; [3] la vérité, malgré les deux caractères précédents, est accord de l’idée et de la chose5. 6 Ce sont ceux, comme S. Hampshire ou H. Joachim, qui considèrent que Spinoza soutient exclusivement ... 7 Ce sont ceux, comme E. Curley ou J. Bennett, pour lesquels Spinoza adopte exclusivement la concepti ... 13D’autres encore, face à cette tension et désespérant de la résoudre, ont choisi de la supprimer en privilégiant exclusivement soit les passages de Spinoza qui vont dans le sens de deux premières affirmations, interprétées comme exprimant une certaine version de la théorie de la vérité comme cohérence6, soit les passages qui vont dans le sens de la dernière affirmation, assimilée à la théorie de la vérité comme correspondance7. 14Bien entendu, le procédé qui consiste à supprimer la tension par l’élimination d’un de ses termes n’est pas légitime ici. Il le serait si l’on pouvait montrer que ces affirmations renvoient à des moments différents de la pensée de l’auteur, c’est-à-dire si l’on pouvait dissoudre la tension dans la considération de l’évolution de la pensée de Spinoza. Mais tel n’est pas le cas puisque cette tension est présente aussi bien dans le Court Traité, que dans le Traité de la réforme de l’entendement et dans l’Éthique. Ainsi, ou bien il est possible de résoudre conceptuellement cette tension, ou bien il faut avouer qu’elle renvoie à une conception incohérente de la vérité. 8 En particulier, il n’est pas possible de développer ici l’analyse détaillée de la notion d’idée adé ... 15Dans cette étude, mon objectif est de présenter quelques remarques qui permettent de soutenir la première de ces deux options. Il me semble qu’il n’y a pas nécessairement d’exclusion mutuelle entre la théorie de la vérité comme cohérence et celle de la vérité comme correspondance, mais plutôt un rapport de complémentarité. J’essaierai de montrer que l’originalité de Spinoza consiste précisément à supprimer cette fausse opposition et à faire de l’adaequatio et de la convenientia deux aspects complémentaires du concept de vérité. L’idée vraie, pour être pleinement vraie, doit satisfaire à une double condition être adéquate cohérente et s’accorder avec son objet. Sans pouvoir examiner ici la totalité des aspects enveloppés dans cette question8, je prétends seulement indiquer quelques éléments qui, permettant d’éliminer la tension signalée par F. Alquié, rendent possible cette complémentarité et illuminent l’originalité de la réflexion spinoziste sur la nature de la vérité. Qu’il y a un rapport de complémentarité entre adaequatio et convenientia 9 Éthique I, axiome VI. 16Il faut remarquer avant tout que Spinoza ne présente pas dans l’Éthique, ni dans le Traité de la réforme de l’entendement, une définition en bonne et due forme et explicite de la vérité. Dans l’Éthique, la traditionnelle définition nominale de la vérité n’est pas présentée sous forme de définition, mais sous forme d’axiome l’idée vraie doit debet s’accorder convenire avec son idéat »9. On ne doit pas penser que la substitution de l’énoncé sous forme d’axiome à l’énoncé définitionnel soit gratuite. En effet, les définitions portent sur l’essence des choses et sur leurs affections, tandis que les axiomes concernent surtout les relations entre les choses. Ainsi, la mise en forme axiomatique de la définition nominale vise à indiquer que celle-ci ne porte que sur la relation extrinsèque de l’idée vraie à l’objet, sans nous renseigner en quoi consiste l’idée vraie prise en elle-même. 10 Je ne reconnais aucune différence entre l’idée vraie et l’idée adéquate, sinon que le mot “vraie” ... 17C’est dans l’Éthique II, définition IV, que Spinoza considère l’idée vraie par sa propriété intrinsèque, c’est-à-dire par son adéquation J’entends par idée adéquate une idée qui, en tant qu’on la considère en elle-même, sans relation à l’objet, a toutes les propriétés ou dénominations intrinsèques d’une idée vraie. Explication Je dis intrinsèques pour exclure celle qui est extrinsèque, à savoir, l’accord de l’idée avec l’objet dont elle est l’idée ». Que l’adaequatio et la convenientia soient deux propriétés distinctes et complémentaires d’une seule et même idée, c’est ce que Spinoza affirme clairement dans la lettre 60 à Tchirnhaus10. Idée adéquate » et idée vraie » sont deux dénominations distinctes pour désigner une seule et même idée, selon que nous considérons cette idée unique soit dans sa nature, abstraction faite de son rapport à l’objet, soit dans son rapport à l’objet. Voyons donc ce qui rend possible cette complémentarité. 18Je prendrai comme fil conducteur de mon analyse le § 69 du Traité de la réforme de l’entendement Quant à ce qui constitue la forme du vrai, il est certain que la pensée vraie ne se distingue pas seulement de la fausse par une dénomination extrinsèque, mais surtout par une dénomination intrinsèque. 19L’emploi de l’adverbe surtout » dans ce passage marque nettement la primauté de la dénomination intrinsèque par rapport à l’extrinsèque, mais l’affirmation de la subordination de cette dernière à la précédente n’équivaut pas à l’affirmation de son exclusion au profit de la première. Néanmoins, les exemples donnés ensuite par Spinoza semblent aller dans le sens d’une véritable exclusion. En effet, il poursuit 11 GII/26. Si un ouvrier conçoit un ouvrage avec ordre, bien que cet ouvrage n’ait jamais existé et même ne doive jamais exister, sa pensée est néanmoins vraie que l’ouvrage existe ou non, cette pensée est la même. Et au contraire, si quelqu’un dit, par exemple, que Pierre existe, sans savoir cependant que Pierre existe, sa pensée, par rapport à lui, est fausse, ou, si l’on préfère, n’est pas vraie, quoique Pierre existe effectivement. Et cette proposition Pierre existe, n’est vraie qu’en ce qui concerne celui qui sait avec certitude que Pierre existe11. 20Le deuxième exemple affirme clairement que le simple accord entre une affirmation et l’état de choses auquel elle renvoie n’est pas une condition suffisante pour qu’elle soit vraie, tandis que le premier exemple semble aller plus loin et affirmer qu’il n’est pas non plus une condition nécessaire de la vérité, puisque le plan conçu par l’ouvrier est dit vrai » indépendamment de l’existence de son objet. 12 Cf. Éthique I, Proposition VIII, scolie 2 ; Éthique II, Proposition VIII ; Éthique V, Proposition X ... 13 Selon Spinoza, le contraste entre l’existence éternelle et l’existence temporelle n’est pas un cont ... 14 Cf. les § 41, § 42, § 85, § 91 et § 99. 15 Cf. Éthique II, Propositions XXXII et XXXIV ; Proposition XLI, démonstration ; Proposition XLIII, d ... 21Néanmoins, il est possible d’interpréter le premier exemple, à la lumière de certaines thèses métaphysiques soutenues par Spinoza dans l’Éthique12, comme affirmant simplement que la vérité d’une pensée construite d’une façon ordonnée ne dépend pas de son accord avec quelque chose qui existe dans la durée, sans que cela signifie qu’elle ne s’accorde avec une essence éternelle contenue dans un attribut de Dieu. En effet, étant donné que le nécessitarisme de Spinoza entraîne que tout ce qui est concevable possède un certain type d’actualité extra-mentale, il est légitime d’affirmer qu’il n’y a pas d’idée vraie qui ne s’accorde avec un objet doué d’actualité, que cette actualité soit l’existence temporelle de la chose ou l’existence éternelle de son essence13. Toute idée vraie a donc une portée existentielle et une dénomination extrinsèque. Cette lecture permet de maintenir la présence constante de la dénomination extrinsèque de l’idée vraie indiquée au début du § 69, affirmée dans d’autres paragraphes du Traité de la réforme de l’entendement14 et dans plusieurs passages de l’Éthique15. 16 Cf. ibid., Proposition XLIII, scolie. 22Parmi les deux dénominations de l’idée vraie, c’est surtout l’intrinsèque qui constitue la forme du vrai. C’est elle, en effet, qui permet de considérer l’idée vraie comme ayant plus de réalité ou de perfection interne qu’une idée fausse, et qui permet d’affirmer qu’il y a entre l’idée vraie et la fausse la même relation qu’entre l’être et le non être16. C’est à elle que le § 70 du Traité de la réforme de l’entendement se réfère quand il affirme qu’il y a dans les idées quelque chose de réel par quoi les vraies se distinguent des fausses », ce quelque chose de réel » consistant dans la possession effective d’un savoir concernant ce qu’on affirme. Cela lie indissolublement, comme nous le verrons par la suite, le concept spinoziste de vérité au concept de savoir. Comment ce rapport de complémentarité est-il possible ? 17 Bien que la substitution de l’énoncé définitionnel par l’axiomatique ne soit pas dépourvue d’import ... 23Si la vérité de l’idée vraie était réduite à la dimension extrinsèque, il semble bien que nous serions contraints d’adopter l’interprétation réaliste de la définition nominale de la vérité, selon laquelle une idée est vraie parce qu’elle s’accorde à son Dans ce cas, c’est l’objet qui rend l’idée vraie, c’est la présence d’une réalité extérieure qui est la norme de la vérité de l’idée. On voit bien que cela est tout à fait contraire à la thèse spinoziste selon laquelle la vérité est norme d’elle même et du faux », et qu’ainsi, celle-ci ne pouvant pas être fondée sur la dénomination extrinsèque de l’idée vraie et la définition de la vérité à elle attachée, elle devra être fondée sur la dénomination intrinsèque de l’idée vraie. L’adaequatio devra fournir un aspect complémentaire à la définition de la vérité qui fonctionne aussi comme norme de la vérité. 24Si je dis aspect complémentaire », c’est pour souligner encore une fois que cela ne signifie pas qu’il faille exclure la définition nominale de la vérité. Celle-ci affirme simplement que l’idée vraie s’accorde à son objet. Elle ne précise pas en quoi consiste cet accord ni non plus quel est, parmi les termes en rapport, celui qui rend l’idée vraie. L’interprétation réaliste de cette définition va plus loin parce qu’elle affirme que c’est exclusivement à l’objet qu’il appartient la fonction de rendre l’idée vraie. On peut néanmoins maintenir cette définition tout en excluant l’interprétation réaliste. Dans ce cas, il faudra dire que l’idée vraie, étant intrinsèquement vraie adéquate, doit s’accorder avec son objet, c’est-à-dire doit avoir aussi la dénomination extrinsèque. Seule l’exclusion de l’interprétation réaliste de la définition nominale peut rendre compatible les deux aspects de l’idée vraie. 25Ces considérations permettent d’avancer dans la compréhension de l’emploi du mot debet » dans la formulation de l’axiome VI de l’Éthique I. D’après ce qui a été dit, cet axiome doit être interprété comme l’équivalent de la formule suivante 261 Si une idée est vraie intrinsèquement vraie, adéquate, alors elle s’accorde nécessairement avec son objet ». 27Et non comme l’équivalent de la formule suivante 282 Si une idée s’accorde avec son objet, alors elle est nécessairement vraie ». 18 Traité de la réforme de l’entendement, tr. A. Koyré, J. Vrin, Paris, 1984, note 69, p. 107. 29Cela veut dire que si une idée vraie s’accorde avec son objet, elle le fait, comme le dit A. Koyré, vi propria ; elle s’y accorde parce qu’elle est vraie et non inversement »18. Le mot debet » exprime le fait, pour la dénomination extrinsèque, d’être une conséquence nécessaire de la puissance intrinsèque de la pensée vraie. Cela signifie que, dans le rapport de complémentarité entre convenientia et adaequatio, il y a subordination de la première à la seconde. 30Cette lecture, qui exclut le caractère réaliste de la définition nominale, peut être renforcée par l’analyse du deuxième exemple donné dans le § 69, qui concerne l’affirmation de l’existence de Pierre. Selon ce passage, la simple rencontre fortuite entre un état de choses et l’affirmation qui le représente n’est pas une condition suffisante pour que cette affirmation puisse être qualifiée de vraie. La simple existence fortuite de l’état de choses affirmé ne rend pas l’idée vraie. Par contre, cette même affirmation, faite par celui qui sait avec certitude que Pierre existe », c’est-à-dire liée à une idée adéquate qui porte en soi la totalité des causes ou raisons de ce qu’on affirme, recevra légitimement ce prédicat. Seule une affirmation connectée au système de raisons qui la justifient peut être vraie. 19 GII/124. 31Ainsi, pour Spinoza, il n’y a de proposition vraie sur une chose que si elle consiste dans un savoir certain sur cette chose. Dans la connaissance vraie, il y a un rapport indissociable entre ce qui est affirmé et les raisons par lesquelles cela est affirmé, ce qui conduit Spinoza à soutenir, dans l’Éthique II, Proposition XLIII, scolie, qu’ avoir une idée vraie ne signifie rien, sinon connaître une chose parfaitement ou le mieux possible »19. 32 Parfaitement ou le mieux possible » désigne la forme par laquelle la chose est connue, le processus d’engendrement de la connaissance. Et dès lors que ce processus ne reste pas étranger à la vérité de l’affirmation à laquelle il conduit, mais fait partie intégrante de la signification même de sa vérité, il n’est pas possible qu’une affirmation soit vraie si elle est dépourvue de cette forme, si donc elle n’est pas la connaissance parfaite de son objet. L’indissociabilité entre l’opération rationnelle qui fonde et justifie une certaine affirmation et la vérité de cette affirmation, l’immanence du processus démonstratif à la vérité, signifie que le rejet de l’interprétation réaliste de la définition nominale s’accompagne, chez Spinoza, de l’exclusion consécutive de ce que M. Dummett a appelé de principe de connaissance », selon lequel un énoncé peut être vrai même si l’on ne peut pas connaître ce qui le rend vrai ». Spinoza soutient ainsi une certaine conception épistémique de la vérité. 20 Pour cette interprétation de M. Dummett, voir R. Landim A interpretação realista da definição n ... 33Le réalisme, selon Dummett, peut être caractérisé par la conjonction du principe de correspondance » si un énoncé est vrai il doit y avoir quelque chose en vertu de laquelle il est vrai » ; du principe de bivalence » tout énoncé est vrai ou faux d’une manière déterminée » ; et du principe de connaissance » si un énoncé est vrai, il doit être, en principe, possible de connaître qu’il est vrai ». Or, dans la mesure où les limites de la connaissance humaine ne déterminent pas les limites de toute connaissance possible, ce principe peut être interprété comme affirmant que quelque chose peut rendre vrai un énoncé sans que nous puissions l’identifier. Il peut, par conséquent, être reformulé de la façon suivante les conditions de vérité d’un énoncé peuvent être remplies indépendamment de notre capacité de savoir si elles sont ou non remplies ». Le réalisme, ainsi caractérisé, établit une nette séparation entre le fait pour un énoncé d’être vrai et les raisons qui permettent de le considérer comme tel, puisqu’il est possible qu’un énoncé soit vrai et qu’on ne puisse pas le démontrer20. Nous voyons ainsi que le rejet spinoziste de cette séparation, présent dans le § 69 du Traité de la réforme de l’entendement, s’accorde bien avec son rejet de l’interprétation réaliste de la définition nominale de la vérité. 21 Éthique II, Proposition III. 22 Ibid, Proposition VI, corollaire. 23 Cette inspiration est nettement présente dans la théorie de la définition génétique formulée dans l ... 34Il faut néanmoins souligner que l’exclusion de l’interprétation réaliste de la définition nominale de la vérité ne fait pas de Spinoza un idéaliste. D’après lui, jamais l’être des choses ne se réduit au fait pour elles d’être pensées. Même si tout ce qui existe est nécessairement l’objet d’une idée en Dieu21, ce n’est pas cela qui constitue l’être formel de l’objet, car Spinoza exclut catégoriquement l’hypothèse d’un entendement créateur22. Sa position pourrait être caractérisée comme celle d’un réaliste métaphysique qui, en vertu de son inspiration constructiviste23, refuse le réalisme épistémologique. Cela signifie que tout en acceptant l’existence indépendante d’une réalité extérieure à la pensée, Spinoza nie la fonction de cette réalité dans la production des idées ainsi que dans la détermination par soi seule de leur valeur de vérité. 24 Éthique II, Proposition XL, scolie 2. 35Le fameux exemple de la quatrième proportionnelle, utilisé par Spinoza pour illustrer aussi bien les différences entre les modes de perception du Traité de la réforme de l’entendement § 23 et 24 que les genres de connaissance de l’Éthique24, illustre bien ce lien indissociable entre ce qu’on affirme et les raisons qui prouvent ce qu’on affirme dans l’idée vraie. En effet, le même résultat peut être atteint par des procédés cognitifs qui divergent qualitativement, et cette divergence quant à la manière de parvenir au résultat permet de poser les uns et d’exclure les autres de la sphère de la vérité. 36La simple application aveugle d’une règle qu’on a apprise par ouï-dire mais dont la raison nous échappe premier mode de perception, ou qui a été trouvée par des expériences particulières non guidées par la raison, et généralisée ensuite d’une façon abusive, sans que nous puissions comprendre la validité de la règle et la nécessité du résultat obtenu second mode de perception, conduit à des affirmations gratuites et incertaines qui ne peuvent pas être qualifiées de vraies. Même si l’application de la règle nous mène au résultat correct », la simple impossibilité de rendre compte du chemin qui y conduit l’exclut de la vérité. Ces modes de perception, qui font partie du premier genre de connaissance dans l’Éthique, sont inadéquats et par conséquent non-vrais. 25 Il est important de rapprocher cette distinction intrinsèque, du point de vue de la vérité, entre s ... 37Par contre, l’application de la règle comprise à partir des propriétés communes des nombres proportionnels troisième mode de perception, second genre de connaissance, ou l’inférence directe de la quatrième proportionnelle à partir de l’intuition du rapport entre le premier et le second nombre quatrième mode de perception, troisième genre de connaissance, étant de procédés qui peuvent rendre compte du chemin qui les mène nécessairement au résultat, appartiennent à la sphère de la vérité. Ainsi, il ne suffit pas de suivre aveuglément une règle qui nous mène au résultat correct pour énoncer des propositions vraies. Il faut aussi comprendre la nécessité de la règle, cette compréhension étant la condition même pour la compréhension de la nécessité du résultat25. Comparaison avec Descartes 38Pour mieux saisir l’originalité de la pensée de Spinoza, il est intéressant de rapprocher ce qu’il affirme dans le § 69 du Traité de la réforme de l’entendement de ce que Descartes soutient dans ses Méditations Métaphysiques. 39Nous trouvons dans les Méditations deux passages qui illustrent la position de Descartes à propos du principe de connaissance ». Le premier se trouve au début de la Troisième Méditation 26 AT-VII-35 AT » renvoie aux œuvres de Descartes, éd. Charles Adam et Paul Tannery, Paris, Léopold ... Mais il y avait encore une autre chose que j’assurais, et qu’à cause de l’habitude que j’avais à la croire, je pensais apercevoir très clairement, quoique véritablement je ne l’aperçusse point, à savoir qu’il y avait des choses hors de moi, d’où procédait ces idées, et auxquelles elles étaient tout à fait semblables. Et c’était en cela que je me trompais ; ou, si peut-être je jugeais selon la vérité, ce n’était aucune connaissance que j’eusse, qui fût cause de la vérité de mon jugement si verum judicabam, id non ex vi meae percepcionis contingebat26. 40Dans ce passage Descartes admet que si ce qu’il assurait s’accordait effectivement avec la réalité, son jugement serait vrai, malgré l’absence d’une perception claire et distincte de ce qu’il affirmait. Son jugement serait vrai non par la force ex vi de sa perception, mais, pourrait-on dire, grâce à une rencontre hasardeuse avec la réalité. Son hésitation c’était en cela que je me trompais ; ou, si peut-être je jugeais selon la vérité... » ne porte pas sur la légitimité de considérer un jugement de ce type comme vrai, mais plutôt sur la possibilité de reconnaître ou déterminer cette vérité. Le jugement serait, absolument parlant, vrai, mais l’absence de clarté et de distinction l’empêcherait de connaître sa vérité. 41Spinoza, quant à lui, n’hésite pas à considérer un tel jugement, de par l’absence même d’une perception adéquate de ce qui est affirmé, comme étant hors de la sphère des jugements vrais. Et cela même si ce qu’il affirme s’accorde avec la réalité. Pour lui, un jugement dont la vérité ne dépend en rien de la puissance explicative de la pensée ne peut pas être qualifié de vrai ». Sa seule hésitation, dont j’indiquerai ensuite le sens possible, porte sur la façon de désigner ce jugement, hésitant entre les prédicats faux » et non-vrai » sa pensée...est fausse ou, si l’on préfère, n’est pas vraie, encore que Pierre existe effectivement. » 42Chez Descartes, l’absence de clarté et de distinction, c’est-à-dire du critère de vérité, empêche la reconnaissance de la vérité, mais le jugement reste, malgré cela, vrai. Il y a dissociation entre ce qui identifie et ce qui rend un jugement vrai. Chez Spinoza, l’absence d’adéquation, c’est-à-dire de la propriété intrinsèque de l’idée vraie, empêche que le jugement puisse être, au sens pleinement spinoziste, vrai, et a fortiori qu’il puisse y avoir une reconnaissance quelconque de sa vérité. 43L’autre passage de Descartes se trouve dans la Quatrième Méditation, dans le contexte d’une discussion à propos du bon usage du libre arbitre 27 AT-IX-48. Or si je m’abstiens de donner mon jugement sur une chose, lorsque je ne la conçois pas avec assez de clarté et de distinction, il est évident que j’en use fort bien, et que je ne suis point trompé ; mais si je me détermine à la nier, ou assurer, alors je ne me sers plus comme je dois de mon libre arbitre ; et si j’assure ce qui n’est pas vrai, il est évident que je me trompe ; même aussi, encore que je juge selon la vérité, cela n’arrive que par hasard, et je ne laisse pas de faillir...27 44Ici Descartes affirme clairement qu’un jugement qui s’accorderait par hasard avec la réalité ne laisserait pas d’être un jugement vrai. S’il le rapproche d’un jugement faux, il ne va pas jusqu’à le qualifier de faux ou de non-vrai, comme le fait Spinoza. Ce rapprochement vise à attirer l’attention sur le fait qu’un jugement qui par hasard se trouve être vrai renvoie, tout comme un jugement faux, à un mauvais usage du libre arbitre. Mais ce jugement ne laisse pas d’être vrai, même s’il trouve à sa racine le même mauvais usage du libre arbitre qui engendre la fausseté. Nous voyons ainsi comment chez Descartes, contrairement à ce qui se passe chez Spinoza, c’est bien la présence de l’objet qui a la fonction de rendre le jugement vrai et comment l’absence d’évidence ne le rend pas faux mais seulement douteux. Cela montre que l’interprétation réaliste de la définition nominale s’accompagne du principe de connaissance », et que l’exclusion de l’un entraîne celle de l’autre. Le refus du principe de bivalence » et le problème de la valeur de vérité de l’imagination 45En consonance avec le refus de l’interprétation réaliste du principe de correspondance et du principe de connaissance, l’hésitation de Spinoza entre les prédicats faux » et non-vrai » dans le § 69 suggère encore, au moins implicitement, une possible rupture avec le principe de bivalence, faisant basculer ainsi la dichotomie traditionnelle du vrai et du faux. En effet, dans ce paragraphe du Traité de la réforme de l’entendement, Spinoza suggère une distinction entre trois valeurs de vérité le vrai, le non-vrai et le faux. Cette tripartition entraîne une asymétrie dans les rapports entre adéquation et vérité, d’une part, et inadéquation et fausseté, d’autre part. Si toute idée adéquate est nécessairement vraie et vice-versa, cette réciprocité n’arrive point dans le rapport entre inadéquation et fausseté. Bien que toute idée fausse soit nécessairement inadéquate, toute idée inadéquate n’est pas nécessairement fausse, sans que cela signifie que ces idées soient vraies. Dans ce cas, le fait pour une idée de ne pas être vraie n’implique pas qu’elle soit fausse. La ligne de partage essentielle se fait entre l’idée adéquate et l’idée inadéquate, celle-ci pouvant être fausse ou simplement non-vraie. 28 Cf. G. H. R. Parkinson, Truth Is Its Own Standard Aspects of Spinoza’s Theory of Truth », in Sh ... 29 Éthique II, Proposition XLI, démonstration, et Proposition XXVIII. 30 Ibid., Proposition XLI. 31 Éthique II, Proposition XVII, scolie et Proposition XLIX, scolie. 32 Éthique IV, Proposition I, démonstration et scolie. 46Certains interprètes ont signalé la présence de cette distinction dans le § 69, tout en affirmant ensuite qu’il n’y en a aucune trace dans l’Éthique28. Néanmoins, je voudrais juste indiquer, pour finir, comment cette distinction entre l’idée inadéquate non-vraie et l’idée inadéquate fausse permet d’éclaircir d’une manière satisfaisante une ambiguïté présente dans les affirmations de l’Éthique concernant le rapport entre la fausseté et la connaissance imaginative, connaissance qui est constituée exclusivement par des idées qui sont toujours inadéquates et confuses29. En effet, Spinoza affirme, d’une part, que cette connaissance est l’unique cause de la fausseté30. D’autre part, il affirme que les imaginations de l’Âme, considérées en elles-mêmes, ne contiennent aucune erreur »31 ; ou encore, que la présence d’une idée vraie peut supprimer l’erreur causée par une connaissance imaginative sans supprimer ce qu’il y a de positif dans cette même connaissance32. Or, il est extrêmement significatif que dans l’Éthique Spinoza ne qualifie jamais de vraie une idée imaginative. Dans ce dernier passage, même s’il lui arrive de parler d’une positivité de l’idée imaginative qui n’est pas fausse, il ne va pas jusqu’à qualifier cette idée, dans son rapport à l’âme humaine, comme vraie, ce qu’il n’aurait pas pu faire s’il n’avait pas distingué entre l’idée inadéquate non-vraie et l’idée inadéquate fausse. 33 Pour la distinction entre l’objet directement représenté et l’objet indirectement représenté par l’ ... 34 Éthique II, Proposition XXVIII. 35 Bien entendu, ce n’est pas par l’idée inadéquate que nous pouvons savoir qu’elle s’accorde avec l’a ... 36 Cette idée est l’équivalent épistémique de la passion joyeuse. Celle-ci naît d’un accord entre des ... 47Si nous nous rappelons que les idées inadéquates de l’imagination sont les idées des affections du corps humain causées par les corps extérieurs, et que ces idées, qui indiquent directement l’état du corps humain, nous permettent aussi de percevoir indirectement la cause extérieure de cet état33, nous constaterons que l’idée inadéquate non-vraie est celle qui, tout en s’accordant, grâce au parallélisme, avec son corrélat physique, à savoir l’affection du corps, ne l’indique que très confusément. Bien qu’elle s’accorde avec l’affection, elle ne peut pas l’expliquer par ses causes. En effet, l’affection du corps est déterminée par une série infinie de causes finies. Dans la mesure où l’âme humaine n’est qu’une partie de l’entendement infini de Dieu, elle n’est pas capable de connaître la totalité infinie de cette série. Ainsi, l’idée d’affection, considérée exclusivement dans son rapport à l’âme humaine, est nécessairement comme une conséquence détachée de ses prémisses », c’est-à-dire inadéquate et confuse34. Son inadéquation irréductible est suffisante pour l’exclure de la vérité, tandis que son accord fortuit », c’est-à-dire non justifié par l’idée35, avec son corrélat physique, sans être suffisant pour la déterminer comme vraie, suffit pour l’exclure de la fausseté36. L’idée inadéquate fausse, pour sa part, est l’idée d’affection qui, outre son inadéquation et confusion, ne s’accorde pas à l’objet indirect auquel elle renvoie le corps extérieur qui est cause de l’affection. Si Spinoza soutenait exclusivement une théorie de la vérité comme correspondance, il devrait désigner le premier aspect des idées imaginatives comme vrai, ce qu’il ne fait pas. S’il soutenait exclusivement une certaine conception de la vérité comme cohérence, l’inadéquation coïnciderait avec la fausseté, et il ne pourrait pas se référer à la positivité des idées inadéquates de l’imagination, ce qu’il fait pourtant. Mais, si la vérité naît de la conjonction entre adéquation et correspondance, conjonction rendue possible par l’exclusion de l’interprétation réaliste de la définition nominale de la vérité, il est possible de considérer comme fausse l’idée inadéquate qui ne s’accorde pas avec son objet indirect, et simplement comme non-vraie celle qui s’accorde avec son objet direct. 48Ainsi, nous pouvons conclure que c’est l’exclusion de l’interprétation réaliste de la définition nominale de la vérité et, d’une manière plus générale, la tendance à refuser les principes du réalisme épistémologique, qui permet à la pensée spinoziste de dissoudre la tension signalée par F. Alquié et de rendre compatible les deux propriétés de l’idée vraie. Il reste toutefois que rendre compatibles ces deux propriétés n’est pas encore montrer la nécessité de leur liaison. Pour expliciter comment et pourquoi la convenientia est une propriété nécessairement liée à l’adaequatio, il faudrait examiner la doctrine du parallélisme et la fonction exercée par la substance absolue comme fondement de la complémentarité entre les deux aspects de la vérité. Cette tâche, néanmoins, dépasse largement les objectifs et limites de cet article. Landim, R., A interpretação realista da definição nominal da verdade », Manuscrito, volume VI, n° 2, abril 1983. Haut de page Bibliographie Alquié, F., Le Rationalisme de Spinoza, PUF, coll. Épiméthée, Paris, 1981. Curley, E., Spinoza’s Metaphysics An Essay in interpretation, Harvard University Press, Cambridge, Mass., 1969. Curley, E., Spinoza on Truth », Australasian Journal of Philosophy, vol. 72, n° 1, March 1994. Descartes, R., Œuvres Philosophiques, éd. F. Alquié, 3 tomes, Garnier, Paris, 1973. Descartes, R., œuvres de Descartes, éd. Charles Adam et Paul Tannery, Paris, Léopold Cerf, 1897-1909 ; rééd. Vrin-CNRS, 11 vol., 1964-1974. Dummett, M., Philosophie de la Logique, Éditions de Minuit, coll. Propositions, Paris, 1991. Gleizer, M. A., Verdade e certeza em Espinosa, ed. L & PM, Porto Alegre, 1999. Gleizer, M. A., Imaginação, Verdade e Falsidade na Ética de Espinosa ; dissertação de mestrado defendida no departamento de Filosofia da UFRJ, Rio de Janeiro, 1987 inédita. Landim, R., La notion de vérité dans l’Éthique de Spinoza », in Groupe de recherches spinozistes n° 2, Paris, 1989. Landim, R., Significado e verdade », Síntese, nº 32, dezembro 1984. Parkinson, G. H. R., Truth Is Its Own Standard Aspects of Spinoza’s Theory of Truth », in Shahan and Biro eds., Spinoza New Perspectives, University of Oklahoma Press, 1978. Della Rocca, M., Representation and the Mind-Body Problem in Spinoza ; Oxford University Press, 1996. Spinoza, B., Spinoza Opera, ed. Carl Gebhardt, 5 vol., Heidelberg, Carl Winters, 1924. Spinoza, B., Éthique, présenté et traduit par Bernard Pautrat, Éditions du Seuil, Paris, 1999. Spinoza, B., Éthique, édition bilingue, trad. et notes de Ch. Appuhn, J. Vrin, Paris, 1983. Spinoza, B., Traité de la Réforme de l’Entendement, trad. de A. Koyré, J. Vrin, Paris, 1984. Haut de page Notes 1 Il [Cherbury] examine ce que c’est que la vérité ; et pour moi, je n’en ai jamais douté, me semblant que c’est une notion si transcendantalement claire, qu’il est impossible de l’ignorer en effet, on a bien des moyens pour examiner une balance avant que de s’en servir, mais on n’en aurait point pour apprendre ce que c’est que la vérité, si on ne la connaissait de nature. Car quelle raison aurions-nous de consentir à ce qui nous l’apprendrait, si nous ne savions qu’il fût vrai, c’est-à-dire, si nous ne connaissions la vérité ? Ainsi on peut bien expliquer quid nominis à ceux qui n’entendent pas la langue, et leur dire que ce mot vérité, en sa propre signification, dénote la conformité de la pensée avec l’objet, mais lorsqu’on l’attribue aux choses qui sont hors de la pensée, il signifie seulement que ces choses peuvent servir d’objets à des pensées véritables, soit aux nôtres, soit à celles de Dieu; mais on ne peut donner aucune définition de logique qui aide à connaître sa nature » R. Descartes, Œuvres Philosophiques, éd. F. Alquié, Garnier, Paris, 1973, t. II, p. 144. 2 Cf. chap. XV, deuxième partie. GI/78 G » renverra toujours à Spinoza Opera, éd. Carl Gebhardt, 5 vol., Heidelberg, Carl Winters, 1924. 3 Éthique II, Proposition XLIII, scolie. GII/124. 4 R. Landim, La notion de vérité dans l’Éthique de Spinoza », in Groupe de recherches spinozistes n° 2, Paris, 1989, p. 123. Il faut remarquer que Landim semble distinguer dans son article entre ce qui constitue proprement la vérité la correspondance et ce qui nous permet de la reconnaître la cohérence, puisqu’il affirme que la cohérence est ce par quoi la vérité s’impose à l’homme comme correspondance. Bref, au lieu d’une coexistence entre deux théories de la vérité, il s’agit plutôt d’une distinction entre la définition et le critère de vérité. Or, si l’on pose que la correspondance épuise la définition de la vérité, étant donnée l’impossibilité de comparer l’idée avec son objet pour vérifier la satisfaction de cet accord, il faudra chercher une propriété intrinsèque à la pensée qui puisse légitimement l’attester. Dans ce cas, néanmoins, cette propriété sera distincte de la propriété d’être vraie et il y aura dissociation entre ce qui rend et ce qui identifie une idée vraie. Nous sommes ainsi ramenés à la position cartésienne du problème de la vérité. La définition de la vérité étant transcendentalement claire », le problème consiste à trouver un critère ou signe de la vérité et à prouver sa validité. Par contre, si, comme le fait Spinoza, la propriété intrinsèque de la pensée vraie est posée comme faisant partie de la définition même de la vérité, c’est-à-dire s’il n’y a pas de vérité sans justification rationnelle seule l’idée adéquate qui porte en elle la complétude de ses causes ou raisons peut être vraie, alors on peut dire que cette propriété non seulement permet la reconnaissance de la vérité mais aussi qu’elle appartient à la nature de l’idée vraie raison pour laquelle celle-ci n’a pas besoin d’un signe extrinsèque pour être reconnue. C’est pour cette raison qu’au lieu de parler de coexistence entre deux théories de la vérité, je parlerai de complémentarité entre l’adaequatio cohérence et la convenientia correspondance dans la constitution du concept spinoziste de vérité. 5 F. Alquié, Le Rationalisme de Spinoza, PUF, coll. Épiméthée, Paris, 1981, p. 212. 6 Ce sont ceux, comme S. Hampshire ou H. Joachim, qui considèrent que Spinoza soutient exclusivement la conception de la vérité comme cohérence. 7 Ce sont ceux, comme E. Curley ou J. Bennett, pour lesquels Spinoza adopte exclusivement la conception de la vérité comme correspondance. Cette position, adoptée par Curley dans son livre Spinoza’s Metaphysics p. 56, p. 122‑126, a été revue dans son article Spinoza on Truth », in Australasian Journal of Philosophy, vol. 72, no 1, March 1994. Dans cet article, il soutient l’existence dans la pensée de Spinoza de tendances en conflit » entre la théorie de la vérité comme correspondance et une certaine version de la théorie de la vérité comme cohérence. 8 En particulier, il n’est pas possible de développer ici l’analyse détaillée de la notion d’idée adéquate élaborée par Spinoza dans le Traité de la réforme de l’entendement et dans l’Éthique, ni de justifier l’interprétation adoptée de cette notion comme renvoyant à une affirmation connectée au système de raisons qui la prouvent et, par là, à une certaine version de la théorie de la vérité comme cohérence. Pour ces analyses et cette justification je renvoie au deuxième chapitre de mon livre Verdade e Certeza em Espinosa Ed. L & PM, Porto Alegre, 1999. 9 Éthique I, axiome VI. 10 Je ne reconnais aucune différence entre l’idée vraie et l’idée adéquate, sinon que le mot “vraie” se rapporte seulement à l’accord de l’idée avec son objet, tandis que le mot “adéquate” se rapporte à la nature de l’idée même » GIV/270. 11 GII/26. 12 Cf. Éthique I, Proposition VIII, scolie 2 ; Éthique II, Proposition VIII ; Éthique V, Proposition XXIX, scolie. 13 Selon Spinoza, le contraste entre l’existence éternelle et l’existence temporelle n’est pas un contraste entre l’existence possible et l’existence actuelle, mais entre deux types d’existence actuelle. L’actualité éternelle de l’essence d’un mode fini qui n’existe pas dans le temps n’est que la propriété actuelle qui appartient à l’attribut divin de produire nécessairement ce mode quand les conditions sont remplies. Cette propriété est une combinaison particulière des lois de la nature. 14 Cf. les § 41, § 42, § 85, § 91 et § 99. 15 Cf. Éthique II, Propositions XXXII et XXXIV ; Proposition XLI, démonstration ; Proposition XLIII, démonstration. 16 Cf. ibid., Proposition XLIII, scolie. 17 Bien que la substitution de l’énoncé définitionnel par l’axiomatique ne soit pas dépourvue d’importance, elle ne signifie pas la suppression de la correspondance comme l’un des éléments constitutifs de la conception spinoziste de la vérité. Pour cette raison, et pour faciliter l’exposition, j’ai pris la liberté de maintenir la désignation traditionnelle de définition nominale pour renvoyer à cet élément. 18 Traité de la réforme de l’entendement, tr. A. Koyré, J. Vrin, Paris, 1984, note 69, p. 107. 19 GII/124. 20 Pour cette interprétation de M. Dummett, voir R. Landim A interpretação realista da definição nominal da verdade », Manuscrito, n° 2, avril 1983 ; et Significado e verdade », Síntese, n° 32, décembre 1984. 21 Éthique II, Proposition III. 22 Ibid, Proposition VI, corollaire. 23 Cette inspiration est nettement présente dans la théorie de la définition génétique formulée dans le Traité de la réforme de l’entendement. 24 Éthique II, Proposition XL, scolie 2. 25 Il est important de rapprocher cette distinction intrinsèque, du point de vue de la vérité, entre suivre une règle en connaissant ou en ignorant sa nécessité, de ce que Spinoza soutient à propos de la distinction intrinsèque, du point de vue éthique, entre la conduite du sage et celle de l’ignorant par rapport aux principes éthiques. Le sage et l’ignorant peuvent avoir une même conduite, accomplir une même action d’un point de vue extérieur tout en étant radicalement distincts du point de vue de la détermination intérieure. Ainsi, l’un interprète une règle de vie comme une loi morale et est déterminé à l’obéir par la peur du châtiment et l’espoir d’une récompense ; l’autre est au-dessus de la loi, c’est-à-dire qu’il est déterminé à suivre cette règle de vie par la compréhension de la nécessité par laquelle elle est liée à ses effets immanents, et par la compréhension de son utilité comme moyen pour parvenir à la liberté et au bonheur voir lettre XIX à Blyenbergh et Éthique IV, Propositions LIX et LXIII. Le premier est esclave des passions tristes engendrées par sa connaissance inadéquate, l’autre est un homme libre qui agit déterminé par sa connaissance adéquate et par les affects actifs qui en découlent joie et amour intellectuel. De même qu’il ne suffit pas de parvenir à une conclusion correcte en suivant une règle dont on ignore la nécessité pour être dans la sphère de la vérité, de même il ne suffit pas de conformer notre conduite à une loi dont on ignore la nécessité et l’utilité pour être dans la sphère de l’activité éthique et de la liberté. La simple conformité, à l’objet ou à la règle, détachée des raisons qui la justifient, est également insuffisante dans les deux cas. Ce rapprochement indique – sans que nous puissions l’approfondir ici – l’extrême importance qui sera accordée à la propriété intrinsèque de l’idée vraie adaequatio pour fonder la supériorité éthique du sage face à l’ignorant. 26 AT-VII-35 AT » renvoie aux œuvres de Descartes, éd. Charles Adam et Paul Tannery, Paris, Léopold Cerf, 1897‑1909 ; réédition Vrin-CNRS, 11 vol., 1964‑1974. 27 AT-IX-48. 28 Cf. G. H. R. Parkinson, Truth Is Its Own Standard Aspects of Spinoza’s Theory of Truth », in Shahan and Biro eds., Spinoza New Perspectives, University of Oklahoma Press, 1978, p. 44, et M. Della Rocca, Representation and the Mind-Body Problem in Spinoza, Oxford University Press, 1996, p. 109. 29 Éthique II, Proposition XLI, démonstration, et Proposition XXVIII. 30 Ibid., Proposition XLI. 31 Éthique II, Proposition XVII, scolie et Proposition XLIX, scolie. 32 Éthique IV, Proposition I, démonstration et scolie. 33 Pour la distinction entre l’objet directement représenté et l’objet indirectement représenté par l’idée d’affection, voir Éthique II, Proposition XVI, et ses deux corollaires. 34 Éthique II, Proposition XXVIII. 35 Bien entendu, ce n’est pas par l’idée inadéquate que nous pouvons savoir qu’elle s’accorde avec l’affection, c’est-à-dire qu’elle indique effectivement la manière dont nous sommes affectés par les choses extérieures, mais par notre connaissance adéquate de l’origine et de la nature de la connaissance imaginative. 36 Cette idée est l’équivalent épistémique de la passion joyeuse. Celle-ci naît d’un accord entre des individus qui se rencontrent, cet accord entre leurs natures étant cause de joie, c’est-à-dire d’une augmentation positive de puissance. Néanmoins, cet accord et cette positivité ne sont pas suffisants pour caractériser ces individus comme des individus actifs, de même que la positivité de l’idée inadéquate et son accord fortuit » avec l’affection du corps ne sont pas suffisants pour la caractériser comme vraie. Haut de page Pour citer cet article Référence papier Marcos André GLEIZER, Remarques sur le problème de la vérité chez Spinoza », Philonsorbonne, 5 2011, 119-135. Référence électronique Marcos André GLEIZER, Remarques sur le problème de la vérité chez Spinoza », Philonsorbonne [En ligne], 5 2011, mis en ligne le 03 février 2013, consulté le 28 août 2022. URL ; DOI de page Droits d’auteur Tous droits réservésHaut de page
peut on soutenir que la verité n existe pas